Systèmes d’Information Achats (S2P, P2P, etc.)

La digitalisation de la fonction Achats passe largement par la mise en place de Systèmes d’Information Achats robustes et intégrés. Ces solutions, souvent regroupées sous les acronymes S2P (Source-to-Pay) et P2P (Purchase-to-Pay), couvrent tout le processus achat, depuis l’expression du besoin et la sélection des fournisseurs jusqu’au paiement et à l’analyse de la performance. Elles jouent un rôle crucial pour automatiser, centraliser et sécuriser les flux, tout en offrant une visibilité optimale sur les dépenses et la chaîne d’approvisionnement.

Dans cet article, nous allons définir ce que sont les Systèmes d’Information Achats, expliquer les différences entre S2P et P2P, détailler leurs principales fonctionnalités et évoquer les bonnes pratiques pour choisir et déployer ces solutions dans un contexte d’achats digitaux.

1. Qu’est-ce qu’un Système d’Information Achats ?

Un Système d’Information Achats (SIA) est un ensemble de logiciels, de bases de données et de processus permettant de numériser et de piloter les activités Achats. Il regroupe typiquement plusieurs modules ou fonctionnalités, parmi lesquels :

  • Sourcing et e-RFx (gestion des appels d’offres, négociations en ligne, enchères inversées).
  • Gestion des contrats (contract management).
  • Catalogues électroniques et commande en ligne (e-Procurement).
  • Gestion des factures et rapprochement (facture/commande/livraison).
  • Reporting et analyse (spend analysis, dashboards, KPI).
  • Supplier Relationship Management (SRM) (voir 1.6 – Relations Fournisseurs et SRM).

Source-to-Pay (S2P) vs. Purchase-to-Pay (P2P)

  1. Purchase-to-Pay (P2P)
    • Concerne principalement la phase d’exécution de l’achat : demande d’achat, commande, réception, facturation et paiement.
    • Focus sur l’optimisation des transactions et la fluidité des processus en aval (opérations).
  2. Source-to-Pay (S2P)
    • Couvre l’ensemble du cycle achat, depuis l’expression du besoin et la sélection du fournisseur (sourcing) jusqu’au paiement et à l’évaluation de la performance.
    • Intègre donc la dimension stratégique (analyse de la dépense, négociation, contractualisation) et la dimension opérationnelle (passation de commandes, rapprochement, paiement).

Ainsi, un S2P inclut généralement un P2P, mais va plus loin dans la gestion de la stratégie et des relations fournisseurs.

2. Avantages et enjeux clés
  1. Automatisation et fiabilisation
    • Réduction des tâches manuelles (saisie, relances, rapprochements), diminution des erreurs et des retards de traitement.
    • Sécurisation des transactions grâce à une traçabilité accrue et des contrôles automatiques.
  2. Visibilité et pilotage
    • Accès en temps réel aux données financières et opérationnelles (commandes, factures, dépenses, taux de service).
    • Tableaux de bord et indicateurs clés (KPI) pour suivre la performance Achats et identifier des gisements d’économies.
  3. Conformité et maîtrise des risques
    • Respect des politiques et procédures internes (workflows de validation, seuils d’approbation).
    • Vérification de la conformité fournisseurs (documents légaux, certifications, critères RSE).
    • Traçabilité facilitant les audits et limitant les risques de fraude ou de corruption.
  4. Collaboration et partage d’informations
    • Plateformes unifiées pour échanger avec les prescripteurs, les acheteurs et les fournisseurs.
    • Meilleure circulation de l’information, réduction des silos entre départements (Finance, Production, Achats).
  5. Amélioration continue
    • Grâce à la data collectée (volumes, qualité, délais, coûts), il est possible d’optimiser en continu la politique Achats, la sélection des fournisseurs et les processus de commande.
3. Principales fonctionnalités des Systèmes d’Information Achats
  1. e-Sourcing
    • Création et gestion des consultations (RFI, RFP, RFQ) via une interface unique.
    • Analyse comparative automatisée des offres, négociations en ligne, notifications aux fournisseurs.
  2. Contract Management
    • Centralisation des contrats (conditions commerciales, durées, clauses).
    • Outils d’alerte pour les renouvellements et les échéances, versioning et signature électronique.
  3. e-Procurement / P2P
    • Catalogues électroniques, punch-out (connexion directe aux catalogues fournisseurs).
    • Workflow de validation, bon de commande automatique, réception, matching facture-commande.
  4. SRM (Supplier Relationship Management)
    • Base de données fournisseurs, historique de la relation, suivi de la performance (qualité, respect des délais, critères RSE).
    • Plans d’action et de progrès, communication directe via portail fournisseurs.
  5. Spend Analysis et reporting
    • Outils d’analyse des dépenses (par catégorie, fournisseur, géographie).
    • Tableaux de bord dynamiques, indicateurs de performance (OTD, savings, etc.).
  6. Intégrations avec l’écosystème IT
    • Connexion à l’ERP (SAP, Oracle), à la comptabilité, aux outils de gestion logistique ou de production.
    • APIs pour interagir avec des solutions spécialisées (RPA, IA, plateformes collaboratives, etc.).
4. Choisir et déployer la bonne solution
4.1. Définir le périmètre et les besoins
  • Diagnostic initial : analyser l’organisation Achats actuelle, identifier les points de douleur (temps de traitement, taux d’erreurs, manque de visibilité, etc.).
  • Spécifications fonctionnelles : lister les fonctionnalités indispensables (e-Sourcing, P2P, SRM, etc.) et celles qui sont optionnelles.
  • Alignement stratégique : s’assurer que le SIA soutient les objectifs de la fonction Achats et de l’entreprise (réduction des coûts, RSE, innovation).
4.2. Analyser le marché des éditeurs
  • Solutions ERP natives : SAP Ariba, Oracle Procurement Cloud, Coupa, Ivalua, etc.
  • Solutions spécialisées : Basware, Jaggaer, Proactis, SynerTrade, etc.
  • Critères de sélection : couverture fonctionnelle, ergonomie, évolutivité, coûts (licences, maintenance, personnalisation), support, localisation des données.
4.3. Méthodologie de déploiement
  1. Comité de pilotage : inclure la Direction Achats, la DSI, la Finance, les prescripteurs clés, et définir les rôles de chacun.
  2. Plan de projet : prévoir un déploiement par phases (catégories d’achat, entités, zones géographiques), en testant d’abord sur un périmètre restreint (pilote).
  3. Data cleansing : nettoyer et fiabiliser les données de base (fournisseurs, articles, contrats) pour éviter les doublons et les erreurs.
  4. Migration et intégration : configurer les workflows, paramétrer la plateforme, connecter le SIA avec l’ERP et les autres applications.
  5. Formation et accompagnement : expliquer les nouveaux processus aux acheteurs, prescripteurs et fournisseurs, diffuser des guides et assurer un support.
4.4. Conduite du changement et adoption
  • Communication interne : valoriser les bénéfices du SIA, montrer comment il facilite le quotidien (gain de temps, automatisation, visibilité).
  • Formation personnalisée : proposer des modules adaptés aux différents profils (acheteurs, prescripteurs, managers, etc.).
  • Référents métier : désigner des « key users » pour relayer l’information, recueillir les retours d’expérience et animer la communauté.
  • Suivi d’adoption : mesurer le taux d’utilisation de la plateforme, identifier les freins et les besoins d’amélioration.
5. Facteurs clés de succès
  1. Alignement avec la stratégie Achats
    • Le SIA doit soutenir les objectifs de l’entreprise (réduction des coûts, innovation, RSE) et s’intégrer dans la feuille de route de la fonction (voir 1.1 – Stratégie et Politique Achats).
  2. Sponsoring de la direction
    • Le soutien du top management est indispensable pour mobiliser les ressources nécessaires et engager l’ensemble de l’organisation.
  3. Qualité des données
    • Des référentiels clairs (fournisseurs, articles, familles d’achats) et un travail régulier de mise à jour sont essentiels pour obtenir des analyses fiables et pertinentes.
  4. Conduite du changement
    • La digitalisation peut générer des résistances. Il est crucial de communiquer, former et accompagner les utilisateurs pour assurer une adoption durable (voir 3.1 – Outils e-Sourcing et e-Procurement).
  5. Pilotage et amélioration continue
    • Définir des indicateurs de performance (délai de traitement, taux de conformité, volume d’achats référencés, etc.) et réévaluer régulièrement le système pour l’ajuster aux évolutions (organisation, marché, technologie).
6. En résumé

Les Systèmes d’Information Achats (S2P, P2P, etc.) constituent le socle technologique de la digitalisation et de la performance de la fonction Achats. En couvrant tout le cycle, du sourcing jusqu’au paiement, ils permettent de :

  • Automatiser les processus répétitifs et réduire les tâches administratives.
  • Centraliser les données et renforcer la collaboration entre acheteurs, prescripteurs et fournisseurs.
  • Garantir la conformité vis-à-vis des politiques internes et des réglementations.
  • Piloter la performance Achats via des indicateurs fiables et en temps réel.

Pour les professionnels et étudiants de la fonction Achats, la maîtrise de ces systèmes est devenue un atout majeur. Cela implique de comprendre :

  • Les fonctionnalités clés (e-Sourcing, P2P, Contract Management, SRM),
  • Les enjeux de l’intégration (interopérabilité avec l’ERP et les autres applications),
  • La conduite du changement (formation, communication, accompagnement),
  • La gouvernance des données (qualité, mise à jour, exploitation analytique).

Au final, un Système d’Information Achats bien déployé contribue à renforcer la compétitivité de l’entreprise, à fiabiliser la chaîne d’approvisionnement et à créer de la valeur pour l’ensemble des parties prenantes.