RSE et critères sociétaux

La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est devenue un enjeu majeur pour les organisations qui souhaitent à la fois réduire leur impact sur l’environnement, respecter les droits humains et contribuer au développement économique et social des territoires. Au sein de la fonction Achats, la prise en compte des critères sociétaux implique une transformation des pratiques, allant bien au-delà de la simple conformité réglementaire. Il s’agit de construire des relations équilibrées avec les fournisseurs, de favoriser l’inclusion et la diversité, d’encourager le développement local et de promouvoir des conditions de travail décentes dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.

Dans cet article, nous allons préciser ce que recouvre la notion de RSE appliquée aux Achats, pourquoi il est essentiel d’intégrer des critères sociétaux dans la sélection et la gestion des fournisseurs, et quelles sont les étapes clés pour réussir cette démarche.

1. Qu’entend-on par RSE dans les Achats ?

La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) fait référence à l’ensemble des actions menées par une organisation pour assumer les impacts de ses activités sur la société et l’environnement. Appliquée aux Achats, la RSE se traduit par :

  1. Une prise en compte globale de l’impact sociétal : respect des droits humains et des conditions de travail chez les fournisseurs, lutte contre les discriminations, promotion de l’insertion et de la diversité.
  2. Une vigilance accrue sur l’éthique : prévention de la corruption, de la fraude et des conflits d’intérêts, transparence et équité dans les processus de sélection.
  3. Une contribution au développement local : soutien aux entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), aux PME locales, et aux fournisseurs œuvrant en faveur de l’insertion professionnelle.
  4. Une vision de long terme : co-construction de projets responsables avec les fournisseurs, partage de bonnes pratiques et d’innovations sociales, etc.
2. Pourquoi intégrer les critères sociétaux dans les Achats ?
  1. Répondre aux attentes des parties prenantes
    • Les consommateurs, les ONG, les investisseurs et les collaborateurs exigent de plus en plus de transparence sur la provenance des produits et sur les conditions de travail tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
    • Les entreprises doivent prouver qu’elles agissent de manière responsable pour préserver leur image et leur réputation.
  2. Maîtriser les risques juridiques et réputationnels
    • Les réglementations se renforcent (loi sur le devoir de vigilance, législations anti-corruption, etc.), obligeant les entreprises à contrôler les pratiques de leurs fournisseurs.
    • Les scandales liés au non-respect des droits humains, au travail forcé ou à la corruption peuvent avoir des conséquences financières et d’image considérables.
  3. Créer de la valeur partagée
    • Une approche sociétale solide permet d’établir des relations plus pérennes avec les fournisseurs, basées sur la confiance et la collaboration.
    • L’inclusion de critères sociaux peut soutenir l’innovation (ex. démarches d’insertion, formations conjointes, etc.) et renforcer la compétitivité à long terme.
  4. Renforcer la cohésion interne
    • Les salariés, notamment les plus jeunes générations, sont sensibles aux valeurs éthiques de leur entreprise.
    • Intégrer des critères sociétaux dans les Achats contribue à donner du sens au travail et à mobiliser les équipes autour d’objectifs partagés.
3. Comment intégrer les critères sociétaux dans la fonction Achats ?
3.1. Identifier les enjeux sociétaux pertinents
  • Cartographier la chaîne d’approvisionnement : repérer les zones de risques (pays sensibles, secteurs à risques, historique d’incidents).
  • Analyser les impacts : déterminer où se situent les principaux enjeux (conditions de travail, risques de sous-traitance illégale, discrimination, etc.).
  • Impliquer les parties prenantes : recueillir les attentes des clients, des collaborateurs, des associations, et intégrer ces informations dans la stratégie Achats (voir 1.2 – Organisation et Gouvernance Achats).
3.2. Définir une politique Achats responsables
  • Formuler des objectifs clairs : par exemple, augmenter la part de fournisseurs labellisés ou certifiés, développer un programme d’insertion, lutter contre la corruption, etc.
  • Établir des principes éthiques : adopter un code de conduite ou une charte RSE pour encadrer les comportements attendus dans la relation fournisseurs.
  • Sensibiliser et former les équipes : former les acheteurs aux techniques d’audit sociétal, aux réglementations en vigueur, à la détection de signaux d’alerte (fraude, travail des enfants, etc.).
3.3. Sélectionner et évaluer les fournisseurs selon des critères sociétaux
  • Intégrer des questions et critères RSE dans les appels d’offres : certifications (SA8000, ISO 26000, B Corp, etc.), politiques internes d’inclusion, plans de lutte contre la corruption, etc.
  • Audits sociaux : visiter les sites de production, vérifier les conditions de travail, rencontrer les salariés ou leurs représentants.
  • Notation et scorecards RSE : mesurer la performance sociétale des fournisseurs (politique RH, respect des droits sociaux, transparence financière, etc.) et leur attribuer un score.
3.4. Contractualiser et piloter la performance sociétale
  • Clauses contractuelles : prévoir des obligations en matière de respect des droits humains, de lutte contre la corruption, d’insertion de personnes en difficulté, etc.
  • Plans de progrès : en cas de non-conformité, accompagner le fournisseur pour qu’il mette en place des actions correctives (amélioration des conditions de travail, renforcement de la transparence, etc.).
  • Suivi continu : réaliser des revues régulières, ajuster le contrat si nécessaire, et communiquer en interne sur les progrès réalisés.
3.5. Collaborer et co-innover avec les fournisseurs
  • Programmes de développement local : soutenir la montée en compétences des fournisseurs, partager des bonnes pratiques, initier des partenariats avec des associations ou des organismes publics.
  • Contrats long terme : offrir une stabilité au fournisseur pour qu’il puisse investir dans des démarches sociétales et s’améliorer sur la durée.
  • Écosystèmes collaboratifs : participer à des plateformes ou des réseaux sectoriels pour mutualiser les efforts (benchmark, veille réglementaire, audits partagés, etc.).
4. Outils et référentiels pour piloter les critères sociétaux
  1. Normes et standards internationaux :
    • SA8000 (conditions de travail),
    • ISO 26000 (responsabilité sociétale),
    • OIT (conventions de l’Organisation Internationale du Travail),
    • Principes du Pacte Mondial de l’ONU (anti-corruption, droits humains, etc.).
  2. Chartes et labels :
    • Charte Relations Fournisseurs et Achats Responsables (en France),
    • Label Lucie (basé sur l’ISO 26000),
    • Écolabels intégrant des critères sociaux.
  3. Solutions digitales RSE :
    • Plateformes spécialisées (EcoVadis, Sedex, etc.) permettant d’évaluer et de comparer les performances sociétales des fournisseurs.
    • Outils de cartographie des risques et d’audit en ligne (questionnaires, alertes, reporting).
  4. Guides et bonnes pratiques :
    • Publications des organisations professionnelles (CDAF, Médiation des entreprises, etc.).
    • Retours d’expérience d’entreprises pionnières en la matière (case studies, livres blancs, etc.).
5. Facteurs clés de succès pour un déploiement RSE dans les Achats
  1. Leadership de la direction : un engagement fort du top management et une intégration de la RSE dans la stratégie globale sont indispensables pour impulser le changement.
  2. Cohérence et transversalité : la fonction Achats doit collaborer avec les départements RSE, RH, Qualité, Juridique, etc., pour agir de manière cohérente.
  3. Formation et sensibilisation : les acheteurs, prescripteurs et managers doivent comprendre les enjeux sociétaux, les réglementations et les outils disponibles.
  4. Dialogue et transparence avec les fournisseurs : informer, écouter et co-construire des plans d’action pour que les fournisseurs s’approprient progressivement les exigences RSE.
  5. Mesure et amélioration continue : définir des indicateurs de performance sociétale, suivre leur évolution dans le temps, et ajuster les stratégies et les plans d’action en conséquence.
6. En résumé

Les critères sociétaux constituent un pilier essentiel de la démarche RSE au sein de la fonction Achats. En intégrant systématiquement les préoccupations liées aux droits humains, aux conditions de travail, à l’éthique et à l’inclusion, l’entreprise agit non seulement pour se mettre en conformité avec les réglementations, mais surtout pour renforcer sa compétitivité et créer de la valeur partagée.

Pour les professionnels et étudiants de la fonction Achats, il est crucial de :

  • Maîtriser les référentiels et les normes clés (SA8000, ISO 26000, Pacte Mondial, etc.).
  • Savoir évaluer et sélectionner les fournisseurs selon des critères sociétaux (audits sociaux, grilles d’évaluation RSE, scorecards).
  • Mettre en place des mécanismes de suivi et de pilotage (tableaux de bord, reporting, plans de progrès).
  • Favoriser la collaboration et le dialogue avec les parties prenantes internes et externes pour développer des solutions innovantes et inclusives.

En définitive, une approche RSE intégrée dans les Achats offre de nombreux bénéfices : réduction des risques, amélioration de la réputation, mobilisation des équipes et développement de partenariats durables avec les fournisseurs. C’est un choix stratégique et éthique qui contribue à modeler une économie plus respectueuse des personnes et de la société dans son ensemble.