Relations Fournisseurs et SRM (Supplier Relationship Management)

Dans un environnement économique globalisé et hautement concurrentiel, les relations fournisseurs sont devenues un levier stratégique majeur pour assurer la compétitivité et la résilience des entreprises. Au-delà des négociations de prix et de la sécurisation de l’approvisionnement, le Supplier Relationship Management (SRM) vise à instaurer des partenariats durables et créateurs de valeur, favorisant l’innovation, l’optimisation des coûts et la gestion proactive des risques. Cette démarche s’appuie sur une vision à long terme, une collaboration étroite entre les parties prenantes et des outils spécifiques pour piloter et améliorer en continu la performance des fournisseurs.

Dans cet article, nous allons définir le concept de SRM, expliquer pourquoi il est crucial pour la fonction Achats, présenter les différentes typologies de relations fournisseurs, ainsi que les étapes et bonnes pratiques pour réussir l’implémentation d’un SRM.

1. Qu’est-ce que le SRM (Supplier Relationship Management) ?

Le Supplier Relationship Management (SRM) désigne l’ensemble des processus, des outils et des méthodes utilisés pour piloter et améliorer les relations entre l’entreprise et ses fournisseurs, dans le but de :

  1. Sécuriser l’approvisionnement : garantir la disponibilité des ressources et la continuité d’activité (qualité, délais, quantité).
  2. Optimiser les coûts et la performance : identifier des pistes d’économies, améliorer la qualité, réduire le TCO (Total Cost of Ownership).
  3. Stimuler l’innovation : encourager le co-développement de nouveaux produits, services ou processus avec les fournisseurs clés.
  4. Gérer les risques : anticiper et prévenir les risques financiers, opérationnels ou de conformité (voir 1.5 – Gestion des Risques et Pilotage de la Performance Achats).
  5. Renforcer la durabilité et la RSE : intégrer des critères environnementaux, sociaux et éthiques dans la sélection et le pilotage des fournisseurs.

Le SRM s’inscrit donc dans une démarche globale de création de valeur, en plaçant les fournisseurs au cœur d’une relation équilibrée et de long terme.

2. Pourquoi les relations fournisseurs sont-elles cruciales ?
  • Évolution du rôle de la fonction Achats : autrefois focalisée sur la négociation des prix, la fonction Achats occupe désormais un rôle stratégique. Les fournisseurs sont perçus comme de véritables partenaires, susceptibles d’apporter des solutions innovantes et de participer à la performance globale de l’entreprise.
  • Complexité croissante de la supply chain : la mondialisation et l’externalisation de certaines activités rendent la chaîne d’approvisionnement plus longue et plus vulnérable. Les enjeux de traçabilité, de conformité et de résilience sont devenus centraux pour éviter les ruptures ou les scandales (environnementaux, éthiques, etc.).
  • Recherche de différenciation compétitive : s’appuyer sur un écosystème de fournisseurs engagés et performants peut constituer un avantage concurrentiel, en termes de qualité, d’innovation, de service ou de responsabilité sociétale.
  • Pression réglementaire et sociétale : la prise en compte des aspects RSE (responsabilité sociétale des entreprises), le respect des normes environnementales et sociales, ainsi que la lutte contre la corruption et le travail dissimulé, impliquent une plus grande transparence dans la gestion de la relation fournisseurs.
3. Les différentes typologies de relations fournisseurs

Toutes les relations avec les fournisseurs ne se ressemblent pas, et il est essentiel de les segmenter pour adapter la gestion et l’engagement. On distingue généralement :

  1. Fournisseurs stratégiques
    • Criticité élevée pour l’entreprise (fort impact sur la qualité, l’innovation, la différenciation).
    • Souvent peu nombreux, position dominante ou partenariat exclusif.
    • Relation de collaboration étroite, partage d’informations sensibles et co-développement.
  2. Fournisseurs clés ou « Core Suppliers »
    • Part importante des achats ou rôle majeur dans la chaîne d’approvisionnement.
    • Relation de moyen-long terme, mais moins stratégique que les fournisseurs critiques.
    • Négociation structurée et suivi régulier de la performance (qualité, coûts, délais).
  3. Fournisseurs tactiques
    • Fournissent des produits ou services importants, mais facilement substituables.
    • Relation essentiellement transactionnelle, négociation basée sur le prix et la disponibilité.
    • Surveillance de la qualité et du respect des engagements, sans effort de partenariat poussé.
  4. Fournisseurs opportunistes ou ponctuels
    • Volumes faibles ou besoin spécifique/occasionnel.
    • Relation courte, souvent mise en concurrence régulière.
    • Contrôle moins poussé, mais attention portée à la conformité réglementaire et à la solvabilité.

Cette segmentation (souvent basée sur la matrice de Kraljic ou des analyses de criticité) permet d’allouer les ressources et les efforts de manière cohérente avec la stratégie Achats (voir 1.3 – Category Management).

4. Les étapes d’implémentation d’un SRM efficace
4.1. Définir la stratégie et les objectifs
  • Alignement avec la stratégie globale : clarifier les priorités (ex. innovation, réduction des coûts, amélioration de la qualité, RSE).
  • Segmentation du panel fournisseurs : distinguer les fournisseurs stratégiques, clés, tactiques, etc.
  • Établissement des KPIs et cibles : définir des indicateurs de performance pour mesurer la réussite de la relation (économies, taux de service, satisfaction client interne, impact RSE, innovation).
4.2. Mettre en place une gouvernance adaptée
  • Rôles et responsabilités : désigner un responsable SRM ou un acheteur dédié pour chaque fournisseur stratégique, définir un référent interne (prescripteur, R&D, qualité, etc.).
  • Comités de pilotage et de suivi : organiser régulièrement des revues fournisseurs (QBR – Quarterly Business Review) pour évaluer la performance, échanger sur les projets en cours et définir les axes de progrès.
4.3. Développer la collaboration et la confiance
  • Transparence et communication : partager les informations clés sur les besoins, les contraintes, les projets futurs ; encourager le feedback du fournisseur sur les spécifications et les process internes.
  • Gestion de l’innovation : impliquer les fournisseurs stratégiques dès la phase de conception ou de définition du besoin, mettre en place des ateliers d’idéation ou de co-développement.
  • Approche partenariale : éviter une relation purement transactionnelle ; privilégier les contrats de long terme, la fixation d’objectifs communs et le partage des gains (ou des risques).
4.4. Évaluer et mesurer la performance fournisseur
  • Scorecards et tableaux de bord : suivre régulièrement les indicateurs de performance (qualité, délais, coût, RSE, innovation).
  • Audits et visites sur site : vérifier la conformité réglementaire, la capacité de production, l’organisation et la solidité financière.
  • Systèmes d’alerte et d’amélioration continue : mettre en place des seuils critiques pour déclencher des actions correctives en cas de dérive ou de non-conformité.
4.5. Optimiser en continu et ajuster la stratégie
  • Cycle d’amélioration continue : s’appuyer sur les résultats des revues et des scorecards pour identifier les pistes de progrès, formaliser des plans d’action et suivre leur mise en œuvre.
  • Revue périodique du portefeuille fournisseurs : évaluer la pertinence de maintenir la relation, de renégocier les conditions ou de rechercher de nouveaux partenaires.
  • Adaptation aux évolutions du marché : rester vigilant face aux nouvelles technologies, aux innovations, aux changements réglementaires ou aux évolutions géopolitiques susceptibles d’affecter la chaîne d’approvisionnement.
5. Les outils et technologies au service du SRM
  • Solutions SRM dédiées : plateformes logicielles permettant de centraliser les informations fournisseurs, de gérer les contrats, de suivre les indicateurs et de communiquer en temps réel.
  • Intégration S2P (Source-to-Pay) : systèmes d’information englobant l’ensemble du cycle Achats, depuis le sourcing jusqu’au paiement, facilitant la traçabilité et l’analyse des données.
  • Portails fournisseurs : espaces collaboratifs en ligne pour échanger des documents, partager des plannings, suivre la qualité et gérer les litiges ou réclamations.
  • Data Analytics : utilisation de l’analyse de données et du Big Data (voir 3.4 – Data Analytics et Big Data) pour détecter des tendances, calculer des scores de risque, identifier des opportunités d’optimisation.
  • Intelligence Artificielle : algorithmes prédictifs pour évaluer la solidité financière des fournisseurs, anticiper les variations de prix ou détecter des anomalies dans les processus (voir 3.5 – Intelligence artificielle et chatbots).
6. Facteurs clés de succès du SRM
  1. Vision et soutien de la direction : le top management doit croire à la valeur du SRM et allouer les moyens nécessaires (humains, financiers, technologiques).
  2. Culture de la collaboration : passer d’une mentalité de confrontation (négociation gagnant-perdant) à un état d’esprit « gagnant-gagnant », misant sur la confiance mutuelle et la transparence.
  3. Compétences et formation : les équipes Achats et les prescripteurs doivent maîtriser les techniques de communication, de négociation collaborative, de gestion de projet et d’analyse de données.
  4. Segmentation pertinente : il est indispensable de focaliser les efforts SRM sur les fournisseurs à forte valeur ajoutée ou à fort risque, pour éviter une dilution des ressources.
  5. Pilotage par les indicateurs : définir des KPIs clairs et adaptés à chaque type de relation (stratégique, clé, tactique), assurer un suivi régulier et ajuster les actions en conséquence.
  6. Approche long terme : le SRM ne se limite pas à une simple phase de négociation : il implique la construction et l’entretien permanent d’une relation de confiance avec le fournisseur, pour co-innover et créer de la valeur de façon pérenne.
7. Bénéfices attendus
  • Création de valeur et réduction des coûts : en travaillant main dans la main, les fournisseurs et l’entreprise peuvent découvrir des gisements d’économies, améliorer la qualité des produits et services, et réduire le TCO.
  • Résilience et maîtrise des risques : un partenariat solide limite les risques de rupture, facilite la résolution de problèmes et renforce la continuité de la chaîne d’approvisionnement.
  • Amélioration de l’image de marque : en intégrant des critères RSE dans les relations fournisseurs, l’entreprise renforce sa réputation et répond aux attentes croissantes des consommateurs et des investisseurs.
  • Accélération de l’innovation : les partenariats de co-développement stimulent la créativité et l’émergence de solutions différenciantes, contribuant à la compétitivité à long terme.
  • Renforcement de la fonction Achats : le SRM confère un rôle plus stratégique aux équipes Achats, qui passent d’un rôle purement transactionnel à une posture de chef d’orchestre, pilotant un écosystème de fournisseurs partenaires.
En résumé

Les Relations Fournisseurs et le Supplier Relationship Management (SRM) sont devenus des éléments structurants de la fonction Achats, qui ne se limite plus à négocier des prix, mais vise à construire des partenariats durables, équilibrés et créateurs de valeur. Grâce à une approche segmentée des fournisseurs, à une gouvernance adaptée et à des outils digitaux performants, les entreprises peuvent améliorer significativement leur compétitivité, leur capacité d’innovation et leur résilience face aux aléas du marché.

Pour les professionnels et étudiants de la fonction Achats, il est donc crucial de :

  • Maîtriser les différents modes de relation (stratégique, tactique, opportuniste) et savoir définir une stratégie SRM alignée sur les objectifs de l’entreprise.
  • Développer des compétences en communication, en gestion de projets collaboratifs et en analyse de données pour mieux piloter la performance fournisseurs.
  • Intégrer les critères RSE dans le choix et l’évaluation des partenaires, afin de répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux.
  • Mettre en place une démarche d’amélioration continue, en évaluant régulièrement les relations avec chaque fournisseur, en identifiant les points de progrès et en ajustant la stratégie SRM en fonction de l’évolution des besoins et du contexte.

En fin de compte, un SRM bien pensé et bien exécuté renforce la position de la fonction Achats en tant que vecteur stratégique de la réussite de l’entreprise, tout en consolidant la confiance et la collaboration dans l’écosystème de la chaîne d’approvisionnement.