Processus et procédures de passation

La passation d’un marché public est un processus dont l’objectif est de sélectionner, de manière transparente et équitable, le ou les fournisseurs les plus à même de répondre à un besoin d’achat exprimé par un pouvoir adjudicateur (administration d’État, collectivité territoriale, établissement public, etc.). Ce processus suit un ensemble de procédures définies par le cadre réglementaire (règles nationales, directives européennes, etc.), afin de garantir la mise en concurrence, la liberté d’accès à la commande publique et la sécurisation juridique des transactions.

Dans cet article, nous allons détailler les grandes étapes du processus de passation d’un marché public, présenter les différentes procédures (appel d’offres, procédure adaptée, dialogue compétitif, etc.), et mettre en lumière les facteurs clés de réussite pour les pouvoirs adjudicateurs et les opérateurs économiques.

1. Les grandes étapes du processus de passation d’un marché public
  1. Identification du besoin
    • Le pouvoir adjudicateur recense et définit clairement son besoin : spécifications techniques, quantités, délais, critères de performance.
    • Cette phase inclut souvent une étude préalable (benchmark, concertation interne) pour cerner le marché fournisseur et clarifier les enjeux (budgétaires, techniques, environnementaux).
  2. Choix de la procédure
    • En fonction du montant estimé du marché et de la nature des prestations (travaux, fournitures, services), le pouvoir adjudicateur détermine la procédure la plus adaptée (appel d’offres formel, procédure adaptée, dialogue compétitif, etc.).
    • Les seuils financiers (nationaux et européens) influencent fortement ce choix.
  3. Rédaction des documents de consultation
    • Le DCE (Dossier de Consultation des Entreprises) comprend généralement :
      • Règlement de la consultation (RC) : décrit le déroulement de la procédure, les délais, les critères de sélection et les modalités de remise des offres.
      • Cahier des clauses administratives (CCAP) : précise les obligations administratives, juridiques et financières (durée du marché, pénalités, modalités de paiement, etc.).
      • Cahier des clauses techniques (CCTP) : décrit en détail les spécifications du besoin (caractéristiques, normes, environnement, etc.).
    • D’autres pièces peuvent s’y ajouter (plans, annexes, bordereau de prix, formulaires administratifs).
  4. Publicité et mise en concurrence
    • Publication d’un avis de marché selon la procédure choisie (journal d’annonces légales, BOAMP, JOUE pour les procédures européennes, plateformes électroniques, etc.).
    • Les candidats téléchargent le DCE et préparent leur dossier de candidature et d’offre.
  5. Réception et analyse des candidatures
    • Vérification des capacités administratives, financières et techniques (DC1, DC2, bilan financier, références, attestations fiscales et sociales…).
    • Élimination des candidats qui ne répondent pas aux exigences minimales (faibles compétences techniques, absence de garanties, etc.).
  6. Analyse des offres
    • Les candidats retenus (après sélection des candidatures) présentent leurs offres techniques et financières.
    • Le pouvoir adjudicateur évalue les offres selon les critères d’attribution annoncés (prix, valeur technique, délais, RSE, etc.) et procède éventuellement à une négociation (selon la procédure).
  7. Attribution du marché
    • Le rapport d’analyse justifie le choix de l’attributaire (offre économiquement la plus avantageuse, au regard des critères pondérés).
    • Notification de la décision aux candidats (lettres de rejet et courrier d’attribution).
    • Après un éventuel délai de standstill (période permettant aux candidats évincés de contester), signature du marché.
  8. Signature et exécution du marché
    • Le marché devient exécutoire.
    • Mise en place des dispositifs de suivi et de contrôle : réunions de lancement, suivi d’avancement, facturation, gestion des pénalités, etc.
2. Les principales procédures de passation
2.1. Appel d’offres ouvert ou restreint
  • Appel d’offres ouvert :
    • Tout opérateur économique peut remettre une offre.
    • Les candidats présentent simultanément leur candidature et leur offre.
    • Les pouvoirs adjudicateurs évaluent d’abord les candidatures, puis analysent les offres.
  • Appel d’offres restreint :
    • Seules les entreprises présélectionnées sur la base de leur candidature sont invitées à présenter une offre.
    • Permet de limiter le nombre d’offres à analyser, surtout pour des projets complexes ou de grande ampleur.
2.2. Procédure adaptée (MAPA, procédures nationales)
  • Marché à procédure adaptée :
    • Réservé aux marchés dont le montant estimé est en dessous des seuils européens.
    • Offre une plus grande flexibilité au pouvoir adjudicateur, qui détermine librement les modalités de consultation, tout en respectant les principes généraux (transparence, égalité de traitement).
    • Adapté pour des achats courants, des PME, ou des besoins ponctuels.
2.3. Dialogue compétitif
  • Utilisé pour des marchés complexes (infrastructures, solutions technologiques innovantes) lorsque le pouvoir adjudicateur ne peut définir seul la solution technique ou juridique la plus adéquate.
  • Le dialogue s’engage avec des candidats présélectionnés pour affiner les solutions et déboucher sur une offre finale.
2.4. Procédure négociée avec ou sans publicité préalable
  • La négociation est autorisée dans certains cas spécifiques (marchés infructueux, urgence, exclusivité technique, marchés de défense, etc.).
  • Les pouvoirs adjudicateurs peuvent entrer en discussion directe avec un ou plusieurs opérateurs afin de conclure le marché.
2.5. Partenariat d’innovation
  • Mis en place pour favoriser la recherche et le développement de solutions innovantes.
  • Le pouvoir adjudicateur peut passer un marché global incluant la R&D et l’acquisition du résultat si la phase de développement est concluante.
3. Les critères de sélection et d’attribution
  • Critères de sélection des candidatures :
    • Capacités professionnelles, techniques, financières.
    • Régularité administrative et fiscale (attestations de régularité, casier judiciaire, etc.).
  • Critères d’attribution des offres :
    • Généralement, l’offre économiquement la plus avantageuse (OEMA) est privilégiée, prenant en compte :
      • Le prix (ou le coût global, éventuellement sur la base d’une analyse de cycle de vie),
      • La valeur technique (qualité des solutions, moyens humains, méthodologie),
      • Les critères environnementaux et sociétaux (RSE, émissions carbone, insertion sociale),
      • Les délais de livraison ou d’exécution,
      • Les services associés (SAV, garanties, maintenance, formation).
  • Pondération des critères :
    • Chaque critère est affecté d’un coefficient (ex. 40 % prix, 30 % qualité, 20 % RSE, 10 % délais).
    • Le barème et la méthode de notation doivent être communiqués dans le règlement de la consultation.
4. Dématérialisation et outils digitaux
  • Publication en ligne : la plupart des procédures imposent la mise à disposition du DCE et la réception des candidatures/offres via une plateforme électronique (profil d’acheteur).
  • Signature électronique : la signature des documents peut être effectuée de manière dématérialisée, sous réserve de respecter les normes en vigueur (certificat, horodatage).
  • Réduction des délais : la dématérialisation accélère les échanges et simplifie la gestion documentaire.
  • Traçabilité : tous les échanges sont horodatés et archivés, facilitant les contrôles ultérieurs.
5. Facteurs clés de succès pour les pouvoirs adjudicateurs
  1. Définition précise du besoin : un cahier des charges clair et réaliste, tenant compte des contraintes techniques, financières et environnementales.
  2. Choix adapté de la procédure : en fonction de la complexité, de l’urgence et du montant, utiliser la procédure la mieux appropriée pour garantir la concurrence et la qualité des offres.
  3. Respect des principes fondamentaux : égalité de traitement, transparence, traçabilité des décisions.
  4. Compétences internes : former les équipes achats et juridiques, disposer d’un accompagnement (ou d’un référent) pour les procédures complexes ou innovantes.
  5. Gestion du planning : anticiper les étapes et les délais (avis de marché, analyse, éventuelle négociation, standstill), éviter de précipiter la signature pour respecter les délais de recours.
6. Conseils aux opérateurs économiques (candidats)
  1. Veille et anticipation : consulter régulièrement les plateformes et journaux officiels, s’inscrire aux alertes e-mail, participer aux événements de présentation du projet (si existants).
  2. Soigner la candidature :
    • Fournir tous les documents administratifs à jour (DC1, DC2, K-bis, attestations de régularité, etc.),
    • Mettre en valeur les références et les compétences clés,
    • Vérifier la cohérence et la complétude du dossier.
  3. Préparer l’offre technique et financière :
    • Répondre point par point au cahier des charges,
    • Proposer des variantes (si autorisées), valoriser la RSE ou l’innovation,
    • Justifier le prix (ou l’approche TCO) et démontrer la valeur ajoutée.
  4. Respecter les délais : la date limite de remise des offres est impérative, et toute offre hors délai est généralement irrecevable.
  5. Rester réactif :
    • Sur la plateforme électronique, consulter régulièrement les questions/réponses,
    • Ajuster l’offre si des modifications ou des précisions sont publiées,
    • Saisir les opportunités de négociation ou de dialogue si la procédure le permet.
7. En résumé

Le processus de passation d’un marché public est un enchaînement d’étapes formalisées (définition du besoin, choix de la procédure, consultation, sélection, attribution et signature) visant à garantir la mise en concurrence et la transparence. Les procédures (appel d’offres, procédure adaptée, dialogue compétitif, etc.) sont choisies en fonction de la nature des prestations et de leur montant.

Pour les professionnels et étudiants de la fonction Achats, il est crucial de :

  • Maîtriser les règles relatives aux seuils et aux procédures (au niveau national et, le cas échéant, européen),
  • Connaître les documents de consultation (RC, CCAP, CCTP) et les critères de sélection,
  • Anticiper la dématérialisation et l’usage des outils numériques (plateformes, signature électronique),
  • Respecter les principes fondamentaux de la commande publique (égalité, transparence, libre accès) et optimiser la qualité de la réponse technique et financière.

Ainsi, la passation d’un marché public requiert une rigueur juridique et administrative, mais ouvre aussi des opportunités d’innovation (dialogue compétitif, partenariats d’innovation), de développement durable (critères RSE) et de performance (optimisation des coûts, qualité de service).