Planification et ordonnancement

Dans le domaine de la Supply Chain, la planification et l’ordonnancement sont des étapes clés pour piloter efficacement la production, optimiser les ressources et répondre aux attentes des clients en termes de délais et de qualité. Une bonne planification consiste à anticiper la demande, à allouer les capacités de production et à synchroniser les différents flux (matières premières, semi-finis, produits finis), tandis que l’ordonnancement vise à organiser concrètement les tâches et les séquences de production à l’échelle opérationnelle.

Dans cet article, nous allons définir ces concepts, expliquer leur complémentarité et présenter les méthodes et outils qui permettent de réduire les coûts, améliorer la réactivité et maximiser la satisfaction client.

1. Qu’est-ce que la planification et l’ordonnancement ?
  1. Planification
    • Vision plus ou moins moyen-long terme (horizon mensuel, trimestriel, annuel), intégrant les prévisions de ventes, les capacités de production, les niveaux de stocks.
    • Vise à définir des plans directeurs (PDP – Plan Directeur de Production), un planning global des besoins en matières, en main-d’œuvre et en équipements pour satisfaire la demande.
  2. Ordonnancement
    • Vision court terme et opérationnelle, organisant la priorité et la séquence des tâches sur les lignes de production, machines ou postes de travail.
    • Cherche à optimiser l’enchaînement (minimiser les temps de changement, les délais, les coûts, etc.) et à respecter les contraintes (disponibilité des ressources, maintenance, délais de livraison).

Pourquoi sont-ils complémentaires ?

  • La planification oriente les grandes lignes de la production (quoi produire, en quelle quantité, quand démarrer les lots) en tenant compte des prévisions de ventes et des stocks.
  • L’ordonnancement affine et traduit ces orientations en un emploi du temps précis (quel opérateur, quelle machine, à quel moment), dans le but de réduire les gaspillages et les temps morts.
2. Les enjeux de la planification et de l’ordonnancement
  1. Respect des délais et satisfaction client
    • Livrer à temps, éviter les retards et les pénalités, maintenir un taux de service élevé.
  2. Optimisation des ressources
    • Éviter les surcharges ou sous-utilisations des lignes de production, répartir la charge de travail de manière équilibrée.
    • Diminuer les coûts (main-d’œuvre, machines) et améliorer la productivité.
  3. Réduction des stocks et des en-cours
    • Enchaîner au mieux les opérations pour ne pas cumuler d’en-cours de fabrication inutiles.
    • Limiter les coûts de stockage et l’immobilisation financière.
  4. Réactivité et flexibilité
    • Adapter rapidement le plan de production en cas de fluctuations de la demande, de pannes, de retards fournisseurs.
    • Mettre en place des scénarios alternatifs pour gérer les aléas.
  5. Collaboration interservices
    • Coordonner les achats, la production, la logistique, les ventes et la direction financière pour partager les informations (prévisions, capacités) et aligner les priorités.
3. Les principales méthodes de planification
  1. S&OP (Sales and Operations Planning)
    • Processus mensuel ou trimestriel de concertation entre les équipes ventes, marketing, production et finance.
    • Débouche sur un plan global (Production, Distribution, Approvisionnements) aligné sur les objectifs commerciaux et financiers.
  2. PDP (Plan Directeur de Production)
    • Programme de production détaillé, découlant des prévisions de ventes et des stocks cibles.
    • Traduit les objectifs en volumes de production par période et par famille de produits.
  3. MRP (Material Requirements Planning)
    • Calcule les besoins nets en composants et matières premières, en s’appuyant sur :
      • Le PDP,
      • Les nomenclatures produits (BOM),
      • Les stocks existants,
      • Les délais fournisseurs.
    • Émet des ordres d’achat ou de fabrication pour satisfaire la demande.
  4. DRP (Distribution Requirements Planning)
    • Étend la logique MRP à la distribution (multi-entrepôts, multi-niveaux).
    • Détermine comment répartir les stocks finis entre les différentes plateformes logistiques ou filiales.
  5. APS (Advanced Planning & Scheduling)
    • Systèmes d’optimisation et de planification avancés (souvent intégrés à l’ERP).
    • Permettent de traiter de grandes quantités de données, de simuler différents scénarios et de résoudre des problèmes complexes (contraintes machines, main-d’œuvre, transport).
4. L’ordonnancement : principes et algorithmes
  1. Règle de priorité
    • FIFO (First In, First Out) : les tâches sont traitées dans l’ordre d’arrivée.
    • EDD (Earliest Due Date) : priorité aux tâches dont la date d’échéance est la plus proche.
    • SPT (Shortest Processing Time) : priorité aux tâches les plus courtes.
    • Ces règles sont simples à mettre en œuvre mais ne garantissent pas toujours un optimum global.
  2. Algorithmes d’ordonnancement
    • Gantt : représentation visuelle des tâches et de leur séquence sur un diagramme.
    • Flow shop : problématique d’ordonnancement de flux (suite de machines).
    • Job shop : tâches variées passant par des machines différentes avec des chemins spécifiques (plus complexe).
    • Heuristiques ou méta-heuristiques (Branch & Bound, Tabu search, Genetic algorithms) : utilisées pour résoudre les problèmes d’ordonnancement complexe à grande échelle.
  3. Contraintes et objectifs multiples
    • Minimiser le makespan (temps total de réalisation), le nombre de retards, le temps d’attente, les stocks en cours.
    • Prendre en compte le séquencement optimal pour éviter les temps de changement de série (setup), limiter les rebuts, respecter les contraintes de maintenance.
5. Outils et solutions informatiques
  1. ERP
    • Propose des modules de planification (PDP, MRP) et génère des ordres de production.
    • Limité pour l’ordonnancement fin, mais centralise les données (stocks, commandes, capacités).
  2. APS (Advanced Planning Systems)
    • Solutions spécialisées (Quintiq, Kinaxis, OMP, etc.) offrant des algorithmes avancés de planning et d’ordonnancement multi-contrainte.
    • Permettent d’exécuter des simulations, d’optimiser les calendriers et de proposer des scénarios (What-if analysis).
  3. Logiciels d’ordonnancement
    • Dédiés à un type d’environnement (flow shop, job shop, mixte).
    • Proposent des Gantt interactifs, des heuristiques configurables et un suivi en temps réel (MES, Manufacturing Execution System).
  4. MES (Manufacturing Execution System)
    • Interface de pilotage en atelier, assurant le lien entre l’ERP (ordre de production) et les machines/opérateurs.
    • Collecte les données de production (temps passé, quantités produites, arrêts) et met à jour l’avancement.
6. Bonnes pratiques pour une planification et un ordonnancement performants
  1. Maîtriser la qualité des données
    • Fiabiliser les prévisions de ventes, la nomenclature, les temps de gamme, les délais fournisseurs.
    • Mettre à jour régulièrement les indicateurs de performance (taux de rebut, cadence réelle).
  2. Choisir la bonne granularité
    • Ajuster l’horizon de planification (S&OP mensuel ou trimestriel, PDP hebdomadaire, ordonnancement journalier ou en temps réel).
    • Éviter de surcharger le système d’ordonnancement avec une trop grande précision, sauf si nécessaire (réactivité, production à la commande).
  3. Collaborer étroitement avec les autres fonctions
    • Alignement des plans de production et des achats (voir 5.1 – Gestion des stocks et des flux).
    • Échange d’informations en temps réel avec la logistique, la maintenance, le service commercial.
  4. Impliquer les équipes opérationnelles
    • Les opérateurs, chefs d’atelier et manageurs de production doivent comprendre la logique de planification et d’ordonnancement.
    • Collecter leurs retours pour améliorer les règles et la faisabilité sur le terrain.
  5. Mettre en place un suivi et une amélioration continue
    • Définir des KPI (taux de respect du planning, taux de service, taux d’utilisation des machines).
    • Analyser les écarts et les causes de non-respect du planning (pannes, absences, erreurs de prévision).
    • Ajuster les paramètres (lot size, temps de setup) et explorer de nouvelles heuristiques si nécessaire.
  6. Gérer les aléas et la flexibilité
    • Prévoir des marges de sécurité (stock tampon, temps de réserve) pour faire face aux urgences ou incidents.
    • Mettre en place des scénarios de repli (replanification rapide, polyvalence du personnel, redéploiement sur d’autres lignes).
7. En résumé

La planification et l’ordonnancement sont deux piliers de la gestion de la Supply Chain, permettant de synchroniser la production, les stocks et la demande :

  • La planification définit un cadre stratégique et tactique (S&OP, PDP, MRP) pour garantir l’adéquation entre la demande prévisionnelle et les ressources disponibles.
  • L’ordonnancement opère à l’échelle opérationnelle, organisant les tâches et leur séquence pour minimiser les temps d’attente, les stocks en cours et les coûts.

Pour les professionnels et étudiants de la fonction Achats et de la Supply Chain, il est essentiel de :

  1. Comprendre les méthodes (S&OP, MRP, APS, algorithmes d’ordonnancement) et leurs limitations.
  2. Sélectionner les outils (ERP, APS, MES) adaptés aux besoins de l’entreprise (complexité, volumes, variabilité de la demande).
  3. Favoriser la collaboration entre services (ventes, production, logistique, finance) et la transversalité des informations.
  4. Maîtriser les indicateurs (taux de service, taux d’utilisation des machines, OTIF, temps de cycle) pour affiner en permanence la planification et l’ordonnancement.
  5. Adopter une culture d’amélioration continue, intégrant la réactivité face aux aléas, la flexibilité des lignes de production et la qualité des données.

En combinant une planification robuste et un ordonnancement fin et réactif, l’entreprise peut maximiser la satisfaction client (respect des délais, qualité), tout en contrôlant ses coûts de production et de stockage.