Organisation et Gouvernance Achats

Dans la poursuite de l’élaboration d’une stratégie Achats solide (voir 1.1 – Stratégie et Politique Achats), l’organisation et la gouvernance Achats jouent un rôle déterminant pour garantir l’alignement entre les objectifs stratégiques et la réalité opérationnelle. En effet, une organisation Achats performante permet à la fois d’optimiser les processus, de mutualiser les ressources et de développer des compétences spécifiques. La gouvernance, quant à elle, assure la cohérence des décisions et la conformité des pratiques au sein de la fonction Achats, tout en favorisant la responsabilisation et la transparence.

Dans cet article, nous aborderons les principaux modèles d’organisation Achats (centralisée, décentralisée, hybride) et les principes de gouvernance (rôles, responsabilités, comités, process) qui permettent de structurer efficacement la fonction Achats.

Qu’est-ce qu’une organisation Achats efficace ?

Une organisation Achats efficace se caractérise par :

  1. Un alignement stratégique : les objectifs de la fonction Achats sont clairement définis, en cohérence avec la stratégie globale de l’entreprise.
  2. Une répartition claire des rôles et responsabilités : chaque collaborateur sait ce qu’il doit faire, dans quel cadre et avec quels moyens.
  3. Des processus fluides et standardisés : les procédures et les outils sont formalisés pour garantir la transparence, l’efficacité et la traçabilité des achats.
  4. Une culture du résultat et de la collaboration : la fonction Achats est orientée « business partner » et travaille étroitement avec les autres départements (Production, R&D, Finance, Marketing, etc.).
  5. Un pilotage de la performance et des risques : des indicateurs clairs (KPI) et des dispositifs de contrôle permettent de suivre en continu la contribution de la fonction Achats et d’anticiper les risques.
Les différents modèles d’organisation Achats

En fonction de sa taille, de son secteur d’activité et de sa culture, l’entreprise peut opter pour l’une des configurations suivantes ou pour un modèle hybride combinant plusieurs approches.

  1. Organisation Achats centralisée

Dans une structure centralisée, l’ensemble des décisions et des opérations Achats sont pilotées par une entité unique (direction Achats, CPO – Chief Procurement Officer). Les acheteurs sont regroupés au sein d’une direction fonctionnelle, et les besoins des différentes branches ou filiales de l’entreprise sont remontés vers cette structure centrale.

  • Avantages :
    • Meilleur contrôle des dépenses et visibilité globale sur les achats.
    • Harmonisation des pratiques, des processus et des outils.
    • Forte capacité de négociation grâce à la mutualisation des volumes d’achats.
  • Inconvénients :
    • Risque d’éloignement des problématiques locales et des besoins spécifiques.
    • Processus de décision potentiellement plus lourd et moins réactif.
  1. Organisation Achats décentralisée

Dans une structure décentralisée, chaque division ou chaque site gère ses propres besoins Achats. Les acheteurs sont alors rattachés aux entités opérationnelles, et la fonction Achats centrale est parfois réduite à un rôle de support ou de coordination.

  • Avantages :
    • Plus grande proximité avec les équipes opérationnelles et les prescripteurs internes.
    • Meilleure réactivité pour répondre aux besoins urgents ou spécifiques.
    • Autonomie renforcée et adaptabilité à des marchés locaux.
  • Inconvénients :
    • Risque de manque de cohérence entre les entités (processus, outils).
    • Perte de pouvoir de négociation (pas de massification).
    • Multiplication des fournisseurs et des contrats pouvant générer des risques et des coûts supplémentaires.
  1. Organisation Achats hybride

Le modèle hybride (ou matriciel) combine des éléments de centralisation et de décentralisation. Il consiste généralement à centraliser certaines catégories stratégiques ou transversales (ex. IT, services généraux, matières premières critiques) tout en laissant une autonomie aux unités opérationnelles pour d’autres familles d’achats moins sensibles ou spécifiques.

  • Avantages :
    • Combinaison des avantages de la centralisation (efficacité, pouvoir de négociation) et de la décentralisation (proximité, réactivité).
    • Adaptation possible en fonction des catégories d’achats et des contraintes marché.
  • Inconvénients :
    • Complexité organisationnelle plus élevée (multiples niveaux de décision).
    • Nécessite une coordination poussée pour éviter les doublons et assurer une bonne communication.
La gouvernance Achats : principes et mécanismes
  1. La gouvernance Achats se définit comme l’ensemble des processus, des structures décisionnelles et des mécanismes de contrôle qui encadrent et orientent la fonction Achats. Elle vise à garantir la conformité aux règles internes et externes, la responsabilisation des acteurs et la transparence dans les prises de décision.

    1. Politiques et procédures
      • Politique Achats : rappelle les valeurs, les orientations stratégiques et les principes fondamentaux (éthique, RSE, conformité).
      • Procédures et directives : décrivent de façon opérationnelle les règles à respecter (seuils d’engagement, circuit de validation, critères de sélection fournisseurs, etc.).
      • Standardisation des outils : mise en place de systèmes d’information Achats (e-Sourcing, P2P, S2P) et de bases de données fournisseurs pour renforcer la traçabilité.
    2. Rôles et responsabilités
      • Direction Achats / CPO : définit la stratégie Achats, supervise les grands projets, pilote la performance et incarne la fonction auprès de la direction générale.
      • Acheteurs : prennent en charge les négociations, la sélection des fournisseurs, le suivi contractuel et l’animation des relations internes.
      • Prescripteurs internes : formalisent leurs besoins, participent à l’élaboration du cahier des charges, valident les offres fournisseurs.
      • Comités Achats : instances de pilotage qui valident les orientations stratégiques, arbitrent les budgets et suivent les principales décisions (ex. lancement de grands appels d’offres).
    3. Mécanismes de contrôle et de reporting
      • Contrôle interne : définition de rôles séparés (séparation des tâches) pour éviter les conflits d’intérêts et renforcer la sécurité des processus.
      • Audit : revue périodique des procédures, des contrats et des processus Achats pour vérifier la conformité, la pertinence et l’efficacité.
      • KPIs et tableaux de bord : suivi régulier de la performance (économies réalisées, taux de service, qualité, respect des délais, etc.), du respect des objectifs RSE, de la satisfaction des clients internes, etc.
Les instances de pilotage et de décision

Pour assurer la cohésion et la cohérence de l’action Achats, plusieurs instances peuvent être mises en place :

    • Comité de pilotage Achats : réunit la Direction Achats, les directeurs fonctionnels et/ou les directeurs de BU (Business Unit). Il valide la stratégie, priorise les projets et suit les grands indicateurs de performance.
    • Comités opérationnels : composés d’acheteurs et de prescripteurs internes, ils traitent des problématiques liées à une catégorie d’achats ou un projet spécifique (ex. Category Management).
    • Comité d’éthique ou de conformité : s’assure que les pratiques Achats respectent les valeurs de l’entreprise et les normes légales et réglementaires (lutte contre la corruption, respect des droits humains, etc.).
Rôles et responsabilités clés au sein de la fonction Achats
  1. Le Chief Procurement Officer (CPO)
    • Définit et porte la vision stratégique de la fonction Achats.
    • Gère les relations avec la direction générale et les autres directions fonctionnelles.
    • Est garant de la performance économique, de l’innovation et de la conformité.
  2. Le Responsable / Manager Achats
    • Anime et encadre les équipes (acheteurs, approvisionneurs, etc.).
    • S’assure de la bonne application de la politique Achats et des procédures internes.
    • Pilote les indicateurs de performance et met en œuvre des actions correctives.
  3. Les Acheteurs
    • Réalisent le sourcing, la négociation et la contractualisation avec les fournisseurs.
    • Gèrent le suivi de la relation fournisseurs (qualité, coûts, délais, risques).
    • Contribuent à l’innovation et au développement de nouveaux partenariats.
  4. Les Category Managers
    • Responsables d’une famille d’achats spécifique (ex. IT, marketing, matières premières).
    • Définissent la stratégie de la catégorie en lien avec les objectifs de l’entreprise.
    • Surveillent les tendances marché et identifient des gisements d’optimisation.
  5. Les Prescripteurs internes
    • Expriment les besoins et rédigent le cahier des charges.
    • Participent aux comités de sélection et de suivi des fournisseurs.
    • Veillent à la bonne exécution des contrats et signalent les éventuels dysfonctionnements.
  6.  
Les facteurs clés de succès d’une bonne organisation et gouvernance Achats
  1. Implication de la direction générale : Le top management doit être convaincu de la valeur stratégique des Achats et soutenir les initiatives de transformation.
  2. Communication et transversalité : Une collaboration étroite avec les autres départements (Finance, Supply Chain, Production, R&D) favorise la cohérence et la réussite des projets.
  3. Structure adaptée à la culture d’entreprise : Le choix du modèle (centralisé, décentralisé ou hybride) doit s’appuyer sur l’environnement interne et externe de l’organisation.
  4. Politiques et processus clairs : Des règles simples et partagées, soutenues par des outils digitaux performants, garantissent l’efficience et la transparence des achats.
  5. Contrôle interne et audit : Des mécanismes de contrôle sont nécessaires pour prévenir les risques de fraude, de non-conformité ou de dérives budgétaires.
  6. Formation et gestion des compétences : La fonction Achats doit régulièrement monter en compétences, notamment sur les aspects négociation, digitalisation, gestion de projets et RSE.
  7. Pilotage de la performance : Le suivi d’indicateurs (économies, qualité, délais, RSE) permet d’ajuster en continu la stratégie et de valoriser la contribution de la fonction Achats.
En résumé

L’organisation et la gouvernance Achats constituent la pierre angulaire d’une fonction Achats performante et alignée sur la stratégie de l’entreprise. Le choix d’une structure centralisée, décentralisée ou hybride dépend de la culture, de la taille et du contexte de l’organisation, tandis que la gouvernance Achats garantit la cohérence des décisions, la maîtrise des risques et la conformité aux exigences internes et externes.

Pour les professionnels et étudiants de la fonction Achats, il est essentiel de comprendre :

  • Les spécificités de chaque modèle organisationnel et leurs impacts sur la performance.
  • Les mécanismes de gouvernance (instances de pilotage, procédures, audits) qui renforcent la transparence et la responsabilisation.
  • L’importance de la transversalité et de la collaboration avec les autres départements pour déployer une stratégie Achats créatrice de valeur.

En définitive, une organisation et une gouvernance Achats bien conçues permettent de développer un avantage concurrentiel durable, de sécuriser les approvisionnements et de contribuer à l’innovation et à la satisfaction des parties prenantes internes et externes.