Gestion des Risques et Pilotage de la Performance Achats

La gestion des risques et le pilotage de la performance font partie intégrante du rôle stratégique de la fonction Achats. En effet, dans un contexte où les chaînes d’approvisionnement sont de plus en plus mondialisées et complexes, il est primordial d’identifier, d’évaluer et de maîtriser les risques potentiels liés aux fournisseurs, aux marchés et aux évolutions réglementaires. Parallèlement, la mesure et le suivi de la performance Achats permettent de démontrer la valeur ajoutée de la fonction, d’orienter les décisions et d’améliorer en continu les processus.

Dans cet article, nous allons explorer les différentes dimensions de la gestion des risques Achats, de l’identification à la mise en place de plans d’action, puis détailler les indicateurs clés et les meilleures pratiques pour le pilotage de la performance.

1. La Gestion des Risques Achats
1.1. Pourquoi la gestion des risques est-elle cruciale ?
  • Volatilité des marchés : les fluctuations des prix des matières premières ou les variations de taux de change peuvent impacter considérablement le coût total d’acquisition.
  • Ruptures et dépendances : l’absence d’alternatives fournisseurs ou la défaillance d’un prestataire stratégique peuvent engendrer des conséquences lourdes sur la production ou la qualité de service.
  • Risques réglementaires et de conformité : le non-respect des lois, règlements ou normes RSE peut conduire à des sanctions financières, voire nuire à l’image de l’entreprise.
  • Risques sociétaux et environnementaux : le recours à des fournisseurs ne respectant pas les droits humains ou les standards environnementaux peut avoir un impact négatif sur la réputation de l’entreprise.
  • Cybersécurité et données : avec la digitalisation croissante de la fonction Achats (e-Sourcing, plateformes collaboratives), la protection des données et la sécurité informatique deviennent prioritaires.
1.2. Les étapes de la gestion des risques
  • Identification des risques
    • Cartographier la supply chain (fournisseurs directs et indirects, flux logistiques, sous-traitants).
    • Réaliser une analyse des facteurs d’influence : stabilité financière des fournisseurs, risques pays (géopolitiques), contraintes réglementaires, etc.
    • Utiliser des outils de veille et des retours d’expérience internes pour recenser les potentielles vulnérabilités.
  • Évaluation et hiérarchisation
    • Analyser la probabilité d’occurrence de chaque risque et son impact potentiel (coûts, délais, qualité, image).
    • Prioriser les risques selon leur criticité (ex. matrice de criticité : probabilité vs impact).
    • Identifier les catégories d’achats ou fournisseurs les plus exposés (voir [1.3 – Category Management]).
  • Mise en place de plans d’action
    • Prévention : diversifier le panel fournisseurs, contractualiser des clauses de résilience, intégrer des exigences RSE et de conformité.
    • Réduction : standardiser les besoins, former les équipes, mettre en place un contrôle qualité renforcé.
    • Transfert : souscrire des polices d’assurance ou exiger des garanties particulières (assurance crédit, caution, etc.).
    • Contingence : prévoir des stocks de sécurité, développer des plans B (fournisseurs alternatifs, dual sourcing).
  • Surveillance et révision
    • Suivre l’évolution des risques grâce à des indicateurs spécifiques (délais de livraison, taux de dépendance, stabilité financière du fournisseur).
    • Mettre à jour régulièrement la cartographie des risques en fonction des changements du marché ou des nouveaux projets internes.
    • Organiser des audits et des réunions de pilotage pour échanger avec les parties prenantes internes et externes.
1.3. Outils et méthodes pour la gestion des risques
  • Matrice de Kraljic : segmente les achats selon leur criticité et la complexité du marché, permettant de concentrer les efforts de réduction des risques sur les catégories stratégiques.
  • Analyse PESTEL : évalue l’impact des facteurs Politiques, Économiques, Socioculturels, Technologiques, Environnementaux et Légaux sur la supply chain.
  • Scénarios et stress tests : anticipent les conséquences d’événements majeurs (crises sanitaires, conflits géopolitiques, catastrophes naturelles).
  • Scorecards fournisseurs : évaluent périodiquement la performance et le risque global (qualité, délais, RSE, éthique, respect des exigences contractuelles).
  • Solutions digitales de risk management : intègrent des bases de données et des alertes automatisées (insolvabilité, incidents de conformité, retards).
2. Le Pilotage de la Performance Achats
2.1. Pourquoi mesurer la performance Achats ?
  • Alignement stratégique : s’assurer que la fonction Achats contribue efficacement aux objectifs de l’entreprise (rentabilité, innovation, RSE, qualité).
  • Amélioration continue : identifier les écarts entre les résultats attendus et obtenus, mettre en place des actions correctives, diffuser les bonnes pratiques.
  • Valorisation de la fonction : démontrer, chiffres à l’appui, la valeur ajoutée des Achats et justifier les ressources allouées (budget, effectifs, outils).
  • Prise de décision éclairée : disposer de données fiables pour arbitrer entre différentes options (choix fournisseurs, allocation des volumes, investissements).
2.2. Les principaux KPI (Key Performance Indicators) Achats
  • Économies réalisées (cost savings)
    • Indicateur classique pour mesurer l’impact financier des négociations et des optimisations de la fonction Achats.
    • Peut être complété par la notion de cost avoidance (coûts évités grâce à des actions préventives).
  • Qualité des fournitures et services
    • Taux de non-conformité (défauts, retours, réclamations).
    • Mesure de la satisfaction des clients internes (enquêtes périodiques, retours d’expérience).
  • Respect des délais (OTD / OTIF)
    • OTD (On Time Delivery) / OTIF (On Time In Full) : évalue la capacité des fournisseurs à respecter les dates et quantités de livraison convenues.
  • Cycle time / lead time Achats
    • Temps moyen entre l’expression du besoin et la passation de la commande / la réception des marchandises.
    • Permet de mesurer l’efficacité du processus Achats (simplification, digitalisation).
  • Gestion des stocks et du BFR (Besoin en Fonds de Roulement)
    • Niveau de stock moyen, rotation des stocks, taux de rupture.
    • Impact direct sur la trésorerie et l’immobilisation financière.
  • Critères RSE / Achats responsables
    • Pourcentage de fournisseurs évalués sur des critères sociaux et environnementaux.
    • Part des fournisseurs certifiés (ISO 14001, ISO 45001, EcoVadis, etc.).
    • Réduction de l’empreinte carbone, initiatives d’économie circulaire, etc.
  • Innovation et co-développement
    • Nombre de projets d’innovation menés avec les fournisseurs, délai de mise sur le marché de nouveaux produits.
    • Contribution des fournisseurs à la R&D ou à l’amélioration de la qualité.
2.3. Méthodes et outils de pilotage
  • Tableaux de bord et dashboards : consolident les KPIs Achats, visualisent les tendances et permettent un pilotage réactif.
  • Systèmes d’Information Achats (S2P, P2P, e-Procurement, e-Sourcing) : automatisent la collecte des données, sécurisent les échanges et améliorent la traçabilité.
  • Revue périodique de performance : réunions internes ou comités Achats pour analyser les résultats, échanger sur les difficultés rencontrées et définir des plans d’action.
  • Benchmarking : comparaison avec les meilleures pratiques du marché ou avec d’autres entités de l’organisation (entre filiales ou pays).
  • Approche Lean et amélioration continue : identification des gaspillages (temps, ressources, tâches redondantes), standardisation et simplification des processus Achats.
3. Facteurs clés de succès pour la gestion des risques et le pilotage de la performance
  1. Implication de la direction
    • Le soutien du top management est indispensable pour prioriser les actions, allouer les ressources nécessaires (humaines, financières, technologiques) et valider les orientations stratégiques.
  2. Culture de la maîtrise des risques
    • La gestion des risques doit être ancrée dans la culture d’entreprise, avec une sensibilisation régulière des collaborateurs aux enjeux de conformité, de qualité et de sécurité.
  3. Collaboration transversale
    • La fonction Achats doit travailler en étroite synergie avec les autres départements (Finance, Supply Chain, Qualité, R&D, etc.) pour partager les informations, identifier les leviers et coordonner les actions.
  4. Transparence et traçabilité
    • Les processus d’évaluation et de suivi des fournisseurs doivent être documentés, traçables et conformes aux politiques internes (éthique, conformité, RSE).
    • Les indicateurs de performance doivent être clairement définis, compris par tous et accessibles via des outils digitaux.
  5. Adaptation continue
    • Les risques et la performance Achats évoluent en permanence (conjoncture économique, réglementations, innovations). Il est donc crucial de réviser régulièrement la cartographie des risques et les objectifs de performance.
  6. Formation et montée en compétences
    • Les acheteurs et managers Achats doivent être formés aux méthodes d’évaluation des risques, à la négociation sous contrainte, à la digitalisation et aux techniques de pilotage de la performance.
    • Le développement des soft skills (communication, leadership, gestion de projet) est également essentiel pour animer la transversalité.
En résumé

La gestion des risques et le pilotage de la performance Achats sont deux dimensions étroitement liées qui permettent à la fonction Achats de jouer un rôle stratégique au sein de l’organisation. D’une part, en anticipant et en maîtrisant les risques, elle assure la continuité des activités et préserve la réputation de l’entreprise. D’autre part, en mesurant et en optimisant la performance, la fonction Achats démontre sa contribution à la compétitivité, à l’innovation et à la durabilité de l’entreprise.

Pour les professionnels et étudiants de la fonction Achats, il est essentiel de :

  • Comprendre les différents types de risques (financiers, opérationnels, réglementaires, RSE, etc.) et de savoir les évaluer de manière systématique.
  • Connaître les méthodes et outils permettant de piloter efficacement la performance (KPIs, tableaux de bord, solutions S2P/P2P, Lean management).
  • Développer une culture de la collaboration et de la transparence, indispensable pour partager les informations clés avec les autres départements et les fournisseurs.
  • Rechercher l’amélioration continue, à travers l’adaptation permanente des stratégies et des processus en fonction des retours d’expérience et de l’évolution du marché.

En définitive, en réussissant à gérer proactivement les risques et à piloter la performance de manière cohérente, la fonction Achats contribue directement à la création de valeur et à la résilience de l’entreprise sur le long terme.