Dans le cadre des Approvisionnements et de la Supply Chain, la gestion de la relation fournisseurs ne se limite pas à la simple passation de commandes ni à la seule négociation de prix. Elle s’inscrit dans une démarche plus globale d’optimisation des flux, de réduction des risques, de collaboration et d’amélioration continue, afin de garantir la disponibilité des ressources, la fiabilité des livraisons et la compétitivité de l’entreprise.
Même si la fonction Achats pilote habituellement la relation fournisseur (cf. 1.6 – Relations Fournisseurs et SRM), il est essentiel de souligner que la Supply Chain et les Approvisionnements y jouent aussi un rôle central : ils travaillent au plus près des besoins opérationnels (stocks, flux entrants, délais, qualité), et assurent la coordination avec les différents maillons (production, entrepôts, distribution).
Dans cet article, nous allons donc aborder la gestion de la relation fournisseurs sous l’angle Approvisionnements et Supply Chain, en mettant l’accent sur les stratégies, les outils et les bonnes pratiques permettant de renforcer la performance logistique et l’agilité de l’entreprise.
Assurer la continuité des flux
Les fournisseurs sont la première étape de la chaîne d’approvisionnement. Une défaillance (retard, problème qualité, rupture) peut bloquer la production ou retarder les livraisons aux clients finaux.
Une relation solide permet de minimiser les risques de pénurie ou de rupture, et de mettre en place des plans de contingence (stocks de sécurité, sourcing alternatif).
Optimiser les coûts logistiques
Les coûts de transport, de stockage et de manutention peuvent être réduits grâce à une collaboration accrue (livraisons synchronisées, massification, cross-docking).
Les fournisseurs peuvent contribuer à la réduction des coûts de packaging, à l’éco-conception, ou proposer des solutions de mutualisation logistique.
Accélérer l’innovation et la flexibilité
En partageant leurs expertises et en travaillant de concert, fournisseurs et clients peuvent co-innover (amélioration de la qualité, nouveaux procédés, services à valeur ajoutée).
Une relation de confiance facilite l’adaptation rapide en cas de fluctuation de la demande ou de changement de spécifications.
Réduire l’empreinte environnementale
Les approvisionnements et la logistique peuvent être optimisés pour diminuer l’empreinte carbone (transport multimodal, emballages réutilisables), en impliquant les fournisseurs dans ces démarches (labels écologiques, calcul du CO₂, etc.).
Fiabilité et réactivité
Les équipes approvisionnement ont besoin d’informations fiables (dates de livraison, niveaux de stocks disponibles chez le fournisseur, alertes en cas de retard).
L’entreprise attend des délais de réponse courts et une capacité à gérer les variations de volume, notamment en période de pics saisonniers ou de promotions.
Qualité et conformité
Pour la Supply Chain, une qualité défaillante engendre des retours, des surcoûts de contrôle et des réclamations clients.
Le fournisseur doit s’engager sur des normes précises (qualité des matières, normes environnementales, respect des conditions de transport), et être évalué régulièrement.
Transparence et partage de données
Les systèmes d’information (ERP, WMS, TMS) sont plus efficaces lorsqu’ils sont connectés avec ceux des fournisseurs (EDI, portails collaboratifs, etc.).
La visibilité partagée (stocks en temps réel, planification de la production) permet d’anticiper les besoins et d’éviter les surcoûts de stockage et de transport.
Collaboration opérationnelle
Intégration des fournisseurs dans les processus logistiques (ex. VMI – Vendor Managed Inventory) pour éviter les ruptures et gérer les réassorts.
Mise en place de réunions de suivi ou de revues trimestrielles pour évaluer la performance, planifier les évolutions et traiter les sujets d’amélioration (lead time, transport multimodal).
Respect des clauses logistiques
Incoterms (CIF, FOB, DDP, etc.), responsabilités en cas de dommages pendant le transport, indemnités de retard, etc.
Les approvisionnements doivent veiller à clarifier les incoterms dans les contrats pour répartir précisément les coûts et risques entre fournisseur et client.
Contrats-cadres et SLA (Service Level Agreement)
Définir clairement les exigences de service (délais de livraison, taux de qualité, quantités minimum/maximum), avec des indicateurs précis (OTD, OTIF, taux de défaut).
Prévoir des pénalités ou des bonus si les objectifs ne sont pas atteints ou dépassés, encourageant ainsi la performance des fournisseurs.
Tableaux de bord et KPIs
Exemples d’indicateurs logistiques :
OTIF (On Time In Full) : pourcentage de livraisons conformes en temps et en quantité,
Lead time moyen,
Taux de réclamation ou de non-conformité,
CO₂ émis sur la livraison,
Taux de disponibilité ou de couverture stock.
Les approvisionnements suivent ces KPIs pour évaluer le fournisseur et cibler les axes d’amélioration.
Portail fournisseur et plateformes collaboratives
Permettent le suivi des commandes, le partage des prévisions, la réception des avis d’expédition (ASN – Advanced Shipping Notice).
Peuvent intégrer des modules de co-innovation ou de gestion de projets communs (mise à jour des fiches produits, pistes de réduction des coûts).
Procédures d’audit et de qualification
Visites d’audit chez le fournisseur pour vérifier la capacité logistique (entrepôts, lignes de production, respect des normes).
Certification du fournisseur (ISO 9001, ISO 14001, IATF 16949 selon le secteur) et vérification de la chaîne logistique en amont (sous-traitants).
VMI (Vendor Managed Inventory)
Le fournisseur gère directement le stock chez le client (via la transmission de données de consommation), ce qui réduit le risque de rupture et le niveau de stock global.
Nécessite une grande confiance réciproque et une intégration des systèmes d’information (voir 5.1 – Gestion des stocks et des flux).
Cartographie des risques fournisseurs
Identifier les dépendances critiques (fournisseur unique, zones géopolitiquement instables, matières rares), évaluer la solidité financière et la capacité de production.
Élaborer des plans de secours (dual sourcing, stocks de sécurité, solutions de transport alternatives).
Plan de continuité d’activité (PCA)
S’assurer que les fournisseurs clés ont un plan pour faire face aux imprévus (pandémie, incendie, cyberattaque).
Mettre en place une cellule de crise, des scénarios de repli et des procédures de communication rapide.
Contrats et clauses de flexibilité
Préciser les conditions de révision de prix (indexation sur matières premières), les clauses de force majeure, la gestion des variations de volumes (réactivité pour monter ou descendre).
Équilibrer la relation pour éviter de mettre en difficulté un fournisseur stratégique par des pénalités excessives.
Surveillance continue de la performance
Mettre à jour les KPIs logistiques (taux de service, lead times, taux de défaut) en continu pour détecter les signaux faibles (retards répétés, qualité en baisse).
Engager un dialogue constructif avec le fournisseur pour résoudre les problèmes rapidement.
Communication transparente
Les approvisionneurs doivent partager des informations de manière proactive (prévisions, saisonnalités, promotions) pour permettre au fournisseur de planifier sa production et ses flux.
Organiser des rencontres régulières, en présentiel ou virtuelles, afin d’ajuster les plannings et d’anticiper les aléas.
Approche collaborative et innovation
Impliquer les fournisseurs dans les projets d’amélioration logistique (réduction des temps de cycle, rationalisation des emballages, solutions de transport plus vertes).
Co-développer des solutions (automatisation des opérations, mutualisation d’entrepôts, cross-docking).
Développement des compétences
Proposer des formations, des échanges de bonnes pratiques (Lean, 5S) aux fournisseurs pour élever le niveau d’exigence et booster l’efficience.
Encourager la standardisation des process et le partage d’outils digitaux.
Reconnaissance et fidélisation
La Supply Chain peut valoriser les bons fournisseurs (trophées, retours positifs, contrats pluriannuels).
Favoriser un partenariat long terme plutôt qu’une relation transactionnelle, afin de stabiliser les flux et de progresser ensemble.
Intégrer la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises)
Exiger des fournisseurs qu’ils respectent des standards sociaux et environnementaux (certifications, code de conduite).
Mettre en place des audits RSE, encourager les pratiques vertueuses (énergie renouvelable, logistique urbaine propre, recyclage, etc.).
La gestion de la relation fournisseurs est un levier stratégique pour la Supply Chain et les Approvisionnements, car elle impacte :
La continuité des flux (éviter ruptures, retards),
La maîtrise des coûts logistiques (transport, stockage, manutention),
La performance de livraison (qualité, taux de service, délais),
La flexibilité et la résilience face aux aléas (variations de la demande, crises).
Pour les professionnels et étudiants de la fonction Achats et de la Supply Chain, les clés du succès résident dans :
Une vision collaborative : partage de données, VMI, co-innovation, contractualisation claire (SLA).
Des outils de pilotage : KPIs logistiques (OTIF, OTD), portails digitaux, audits réguliers, cartographie des risques.
Une posture équilibrée : équilibrer les exigences (délais, prix) et la soutenabilité (flux prévisibles, délais de paiement raisonnables) pour développer une relation gagnant-gagnant.
Un engagement RSE fort : intégrer des critères sociétaux et environnementaux, encourager les solutions logistiques vertes.
En adoptant ces approches, la Supply Chain et les Approvisionnements contribueront à bâtir une relation fournisseur solide, synonyme de fiabilité, de création de valeur et de performance durable.