Exécution des marchés et suivi contractuel

Une fois qu’un marché public est attribué et signé, la phase d’exécution commence. Cette étape est souvent cruciale : le pouvoir adjudicateur et l’attributaire doivent mettre en œuvre les termes du contrat en respectant les obligations définies (délais, qualité, prix, clauses administratives, etc.). Un suivi contractuel rigoureux est indispensable pour prévenir les litiges, assurer la conformité des prestations et garantir la satisfaction des besoins initiaux.

Dans cet article, nous allons définir les grands principes de l’exécution des marchés publics, évoquer les rôles et responsabilités de chaque partie, détailler les modalités de suivi contractuel et présenter les facteurs clés de succès pour une exécution sans encombre.

1. Démarrage du marché : mise en place et organisation
  1. Réunion de lancement (kick-off)
    • Réunit le pouvoir adjudicateur (administration, service technique, direction des achats) et l’entreprise attributaire (responsables de projet, experts).
    • Objectifs : clarifier les rôles et les interlocuteurs, rappeler les exigences contractuelles, définir le planning détaillé, clarifier les modalités de facturation, etc.
  2. Désignation des interlocuteurs
    • Côté pouvoir adjudicateur : un responsable du marché (ou gestionnaire de contrat) chargé du suivi au quotidien, un correspondant technique, éventuellement un contrôleur financier.
    • Côté attributaire : un chef de projet ou responsable de compte, un référent technique, un interlocuteur administratif.
  3. Planification et jalons
    • Identification des étapes clés (livraisons, validations intermédiaires, prototypes, tests).
    • Établissement d’un calendrier de suivi (réunions, rapports, échéances de paiement, etc.).
2. Principes fondamentaux de l’exécution du marché
2.1. Respect des clauses contractuelles
  • CCAP (Cahier des Clauses Administratives Particulières) et CCTP (Cahier des Clauses Techniques Particulières) : ce sont les documents de référence pour l’exécution.
  • Obligations réciproques : chacune des parties doit fournir les prestations, documents ou informations prévus dans les délais convenus.
  • Prix et modalités de paiement : le type de prix (ferme, révisable, actualisable) doit être appliqué conformément au contrat. Les factures doivent être conformes (contenu, pièces justificatives).
2.2. Contrôle de la conformité
  • Qualité et performance : vérifier que les fournitures, services ou travaux respectent les normes et les spécifications annoncées (tests, audits, procédures de réception).
  • Suivi des délais : surveiller les jalons et imposer, si nécessaire, des pénalités en cas de retard (si prévu dans le contrat).
  • Acceptation ou réserves : le pouvoir adjudicateur peut émettre des réserves si la prestation n’est pas totalement conforme, obligeant l’attributaire à corriger avant de valider la réception.
2.3. Modifications et avenants
  • Évolution du besoin : si le pouvoir adjudicateur souhaite changer certaines spécifications, il doit respecter les conditions de modification prévues dans la réglementation (limites de modification, seuils).
  • Avenant : formalisé sous forme d’acte modificatif au contrat initial, spécifiant la nature des changements (quantités, délais, prix), et signé par les deux parties.
  • Respect des règles de concurrence : les avenants ne doivent pas bouleverser l’économie générale du marché au point de contourner la mise en concurrence initiale.
3. Rôles et responsabilités lors de l’exécution
3.1. Pouvoir adjudicateur
  1. Gestion administrative et financière
    • Établir les bons de commande ou ordres de service, valider les factures, procéder aux paiements dans les délais légaux.
    • Mettre en place une procédure de contrôle (rapports, tableaux de bord, etc.).
  2. Suivi technique
    • Vérifier la conformité des livrables, organiser les contrôles et réceptions.
    • Assurer la coordination interne (services utilisateurs, direction financière, direction des achats) et la communication avec l’attributaire.
  3. Gestion des aléas
    • Anticiper les retards, alerter en cas de dérives qualité, décider de solutions correctrices ou de modifications contractuelles.
    • Appliquer ou négocier des pénalités si besoin.
3.2. Attributaire (entreprise)
  1. Respect du cahier des charges
    • Livrer les prestations conformément aux spécifications, quantités, délais et normes de qualité définis.
    • Communiquer proactivement sur les difficultés ou risques éventuels.
  2. Reporting et communication
    • Transmettre régulièrement des rapports d’avancement, signaler les points de blocage.
    • Répondre aux demandes d’information et d’ajustement émises par le pouvoir adjudicateur.
  3. Gestion des ressources
    • Mobiliser les moyens humains, matériels et financiers pour honorer ses engagements.
    • Établir un dispositif de qualité interne pour éviter les non-conformités et assurer la satisfaction du client public.
4. Outils et méthodes de suivi contractuel
  1. Planning et tableaux de bord
    • GANTT, plannings partagés, milestones, indicateurs de performance (coût, qualité, délai).
    • Tableaux de synthèse pour suivre l’état d’avancement des livraisons, le taux d’exécution budgétaire.
  2. Réunions de suivi
    • Périodicité (hebdomadaire, mensuelle, trimestrielle) selon la complexité du marché.
    • Ordre du jour focalisé sur les points clés : avancement, risques, actions correctives, demandes de modification, retours des utilisateurs.
  3. Protocoles de recette et de réception
    • Définir des tests, des protocoles de contrôle (recette fonctionnelle, recette technique) pour valider chaque étape ou chaque lot livré.
    • Procès-verbal de réception : atteste que la prestation est conforme et déclenche le règlement du solde.
  4. Plateformes numériques
    • Systèmes d’information partagés (ex. e-Procurement, e-Contract Management) pour centraliser les documents, faciliter les interactions (demandes d’avenants, suivi des non-conformités, etc.).
    • Dématérialisation des factures (Factur-X, par exemple) et suivi des paiements (chorus pro, etc.).
5. Gestion des litiges et résiliation
5.1. Litiges et contentieux
  • Causes possibles : retards, prestations non conformes, dépassement de budget, désaccords sur les avenants.
  • Tentative de résolution amiable : négociation, médiation, conciliation.
  • Recours contentieux : si le litige persiste, les parties peuvent saisir la juridiction compétente (tribunal administratif, etc.) pour obtenir un arbitrage ou des dommages et intérêts.
5.2. Résiliation du marché
  • Résiliation pour faute : si l’attributaire ne respecte pas ses obligations (manquements graves), après une mise en demeure infructueuse.
  • Résiliation pour motif d’intérêt général : l’administration peut mettre fin au marché pour des raisons d’opportunité, moyennant une indemnisation.
  • Résiliation amiable : accord entre les parties pour stopper le marché, en établissant les conditions financières et pratiques.
6. Clôture et bilan de l’exécution
  1. Réception définitive
    • Après la levée des éventuelles réserves, signature du procès-verbal de réception définitive (surtout pour les marchés de travaux ou les prestations complexes).
    • Libération éventuelle des retenues de garantie si aucune réserve ne subsiste.
  2. Facturation et paiement final
    • Vérification du solde (acomptes déjà versés, indemnités, révisions de prix), paiement du reliquat.
    • Respect des délais de paiement réglementaires (ex. 30 jours en France, sous peine d’intérêts moratoires).
  3. Retour d’expérience
    • Analyse de la performance du marché (qualité, coût global, satisfaction des utilisateurs, incidents rencontrés).
    • Capitalisation pour améliorer les futures consultations et les pratiques internes (fiches de retour, learning by doing).
7. Facteurs clés de succès pour une exécution performante
  1. Anticipation : planifier les ressources, vérifier la cohérence du cahier des charges, bien préparer la réunion de lancement.
  2. Communication : maintenir un échange régulier, transparent, documenté entre les parties pour détecter rapidement les écarts.
  3. Compétences : disposer d’une équipe formée aux aspects juridiques, financiers et techniques, capable de gérer les risques et d’administrer le contrat.
  4. Outils de pilotage : s’appuyer sur des tableaux de bord, des indicateurs pertinents, des systèmes d’information adaptés à la complexité du marché.
  5. Réactivité : agir rapidement dès qu’un problème survient (retard, non-conformité) pour préserver la relation contractuelle et éviter l’aggravation du litige.
  6. Respect mutuel et professionnalisme : adopter une approche partenariale, tout en appliquant fermement les clauses du contrat si nécessaire.
8. En résumé

L’exécution d’un marché public est une phase déterminante pour garantir la conformité et la qualité des prestations attendues. Elle suppose un suivi contractuel rigoureux, associant :

  • Une organisation claire (rôles, planning, outils),
  • Un contrôle permanent (qualité, délais, coût),
  • Une gestion proactive des modifications et des litiges éventuels,
  • Des compétences à la fois juridiques, techniques et relationnelles.

Pour les professionnels et étudiants de la fonction Achats, il est essentiel de :

  • Maîtriser les obligations contractuelles et les instruments de pilotage (réunions, tableaux de bord, protocoles de réception),
  • Connaître les règles de modification (avenants, évolutions réglementaires) et de résiliation (faute, intérêt général),
  • Adopter une approche collaborative et transparente pour gérer les enjeux et anticiper les difficultés,
  • Capitaliser sur les retours d’expérience pour améliorer en continu la qualité du service public et l’efficacité de la commande publique.

En somme, une exécution réussie d’un marché public repose sur une relation contractuelle équilibrée, où chaque partie respecte ses engagements et œuvre à la satisfaction du besoin collectif, tout en préservant l’intérêt général et la bonne gestion des deniers publics.