Éthique et conformité

L’éthique et la conformité constituent des piliers fondamentaux de la démarche Achats Responsables. Dans un contexte où les chaînes d’approvisionnement sont de plus en plus mondialisées et complexes, les risques de corruption, de fraude ou de conflits d’intérêts sont réels et peuvent nuire gravement à la réputation et à la performance des entreprises. Adopter des pratiques d’éthique et de conformité, c’est non seulement respecter les lois et règlements en vigueur, mais également instaurer une culture d’intégrité au sein de l’organisation et de sa chaîne de valeur.

Dans cet article, nous allons définir les principaux enjeux liés à l’éthique et la conformité dans les Achats, préciser les référentiels et les dispositifs de contrôle, et présenter les bonnes pratiques pour construire un climat de confiance et de transparence avec les fournisseurs et les parties prenantes internes.

1. Pourquoi l’éthique et la conformité sont-elles essentielles dans les Achats ?
  1. Préserver la réputation et l’image de l’entreprise
    • Les affaires de corruption, de fraude ou de conflits d’intérêts peuvent entraîner des sanctions financières, légales et médiatiques, pouvant gravement affecter la notoriété d’une entreprise.
    • Au-delà du risque juridique, un manquement éthique peut éroder la confiance des clients, des investisseurs et des salariés.
  2. Réduire les risques financiers et opérationnels
    • La non-conformité aux réglementations (lois anti-corruption, réglementation Sapin II, UK Bribery Act, FCPA, etc.) peut se traduire par des pénalités lourdes et un accès limité à certains marchés.
    • Des pratiques frauduleuses peuvent fausser la concurrence, aboutir à des surcoûts pour l’entreprise et impacter la qualité et la fiabilité des approvisionnements.
  3. Renforcer la confiance avec les parties prenantes
    • Les clients et les donneurs d’ordre sont de plus en plus attentifs à l’éthique dans la chaîne d’approvisionnement.
    • Un climat de confiance et de transparence facilite la collaboration et l’innovation avec les fournisseurs, tout en attirant et en fidélisant les talents au sein de la fonction Achats.
  4. S’aligner sur les standards internationaux
    • Les enjeux d’éthique et de conformité sont liés à des normes et référentiels de plus en plus reconnus (ISO 37001 pour les systèmes de management anti-corruption, par exemple).
    • Intégrer ces standards permet à l’entreprise de s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue et de se positionner comme un acteur exemplaire sur son marché.
2. Les principaux risques éthiques et de conformité dans la fonction Achats
  1. Corruption et pots-de-vin
    • Risque que des acheteurs ou des cadres de l’entreprise acceptent des avantages indus (argent, cadeaux, voyages) en échange de l’attribution de marchés ou de conditions plus favorables.
    • Inversement, l’entreprise peut être accusée de corruption si elle offre des pots-de-vin à des partenaires ou des agents publics.
  2. Conflits d’intérêts
    • Situation où un collaborateur (acheteur, prescripteur) a un intérêt personnel (financier, familial, etc.) pouvant influencer ses décisions professionnelles.
    • Par exemple, travailler avec un fournisseur géré par un proche ou détenir des parts dans l’entreprise d’un fournisseur.
  3. Fraude et détournement de fonds
    • Manipulation de factures ou de bons de commande, falsification de documents, surfacturation, fausses prestations.
    • Le manque de contrôles internes accroît la probabilité de ces fraudes.
  4. Faux appels d’offres ou collusion entre fournisseurs
    • Possibilité de manipuler une procédure de mise en concurrence pour favoriser un fournisseur, ou permettre à plusieurs fournisseurs de s’entendre pour fixer les prix.
    • Ces pratiques biaisent la concurrence et font courir un risque légal et financier à l’entreprise.
  5. Non-respect des obligations légales et réglementaires
    • Non-conformité aux lois anti-corruption (Sapin II en France, FCPA aux États-Unis, UK Bribery Act au Royaume-Uni, etc.).
    • Manquement à la législation en matière de droit du travail, d’environnement ou de santé et sécurité sur les sites de production des fournisseurs.
3. Mettre en place un dispositif d’éthique et de conformité dans les Achats
3.1. Élaborer un Code de conduite ou une Charte éthique
  • Engagement formel : définir les principes et valeurs que l’entreprise promeut (intégrité, loyauté, transparence, respect).
  • Champ d’application : s’applique à tous les collaborateurs, y compris les acheteurs, les prescripteurs et les fournisseurs.
  • Communication et formation : diffuser largement le code de conduite, organiser des sessions de sensibilisation et exiger l’adhésion des fournisseurs stratégiques.
3.2. Mettre en place des procédures de contrôle interne
  • Séparation des tâches : éviter qu’un même collaborateur puisse à la fois initier, valider et exécuter une dépense.
  • Validation hiérarchique : définir des niveaux de délégation, notamment pour les achats supérieurs à un certain seuil.
  • Audit régulier : vérifier l’efficacité des procédures, l’application des règles et la conformité des opérations Achats.
3.3. Gérer et prévenir les conflits d’intérêts
  • Déclaration d’intérêts : exiger des acheteurs et des prescripteurs la déclaration de tout intérêt personnel ou familial susceptible d’impacter leurs décisions.
  • Recours à un référent éthique : mettre en place un interlocuteur ou un comité indépendant pour traiter les situations à risque.
  • Rotation des acheteurs : limiter la durée d’affectation sur une même catégorie ou un même fournisseur pour réduire les risques de collusion.
3.4. Lutte contre la corruption et la fraude
  • Cartographie des risques : identifier les contextes géographiques et sectoriels les plus exposés (pays sensibles, secteurs régulés, etc.).
  • Formation ciblée : sensibiliser les équipes Achats aux techniques de fraude et aux signaux d’alerte (factures douteuses, conditions financières anormales, etc.).
  • Canaux d’alerte : mettre en place un dispositif de whistleblowing (ligne téléphonique, plateforme en ligne) permettant aux collaborateurs et aux fournisseurs de signaler un comportement inapproprié en toute confidentialité.
3.5. Évaluation et pilotage de la conformité fournisseurs
  • Clause contractuelle éthique : inclure dans les contrats des engagements anti-corruption, de respect des règles de concurrence, de transparence financière, etc.
  • Audits de conformité : réaliser ou faire réaliser par des tiers des contrôles sur site, vérifier la comptabilité des fournisseurs, leur politique de cadeaux et d’hospitalité, etc.
  • Notation et suivi : mettre à jour régulièrement le niveau de risque et de conformité des fournisseurs, établir un plan d’action en cas de non-respect avéré.
4. Normes, référentiels et bonnes pratiques
  1. Lois et réglementations
    • Loi Sapin II (France) : impose aux grandes entreprises un programme de prévention et de détection de la corruption, incluant une cartographie des risques, un code de conduite, un dispositif d’alerte, etc.
    • FCPA (États-Unis) : Foreign Corrupt Practices Act, criminalise la corruption d’agents publics étrangers.
    • UK Bribery Act (Royaume-Uni) : réputé particulièrement strict, il couvre à la fois la corruption active et passive, dans le secteur public et privé.
  2. Normes ISO et référentiels internationaux
    • ISO 37001 : système de management anti-corruption, couvrant notamment la politique anti-corruption, la formation des employés, le reporting et l’audit interne.
    • OCDE : convention sur la lutte contre la corruption, recommandations pour la gouvernance d’entreprise.
    • ONU : Convention des Nations Unies contre la corruption.
  3. Charte Relations Fournisseurs et Achats Responsables
    • En France, cette charte vise à promouvoir des relations équilibrées et transparentes entre donneurs d’ordre et fournisseurs, avec un volet consacré au respect des règles de déontologie et d’éthique.
  4. Standards sectoriels
    • Dans certains secteurs (pharmaceutique, défense, BTP, etc.), des codes spécifiques peuvent exiger des niveaux d’exigence renforcés en termes d’éthique et de conformité.
5. Facteurs clés de succès pour une démarche éthique et de conformité réussie
  1. Soutien et exemplarité du top management
    • La direction doit incarner les valeurs d’éthique et de conformité, et sanctionner sans ambiguïté les comportements déviants.
    • L’impulsion des dirigeants est essentielle pour crédibiliser la démarche et mobiliser toutes les équipes.
  2. Culture de l’éthique et de la transparence
    • Les collaborateurs doivent se sentir libres de s’exprimer et de signaler les pratiques illicites ou contraires aux valeurs de l’entreprise.
    • Des mécanismes de reconnaissance (récompenses, promotions) peuvent encourager les attitudes exemplaires.
  3. Formation et sensibilisation continue
    • Les acheteurs, prescripteurs et managers doivent être formés aux aspects juridiques, aux méthodes de détection de la fraude, aux règles de cadeau et d’hospitalité, etc.
    • Des mises à jour régulières sont nécessaires pour suivre l’évolution des réglementations et des risques.
  4. Gouvernance et contrôles internes solides
    • Des procédures claires, une traçabilité des opérations et des audits réguliers garantissent une meilleure maîtrise des risques.
    • Les responsabilités doivent être clairement définies et coordonnées (Compliance officer, direction juridique, direction Achats, etc.).
  5. Engagement vis-à-vis des fournisseurs
    • Impliquer les fournisseurs dans la démarche, leur présenter les politiques éthiques et les obligations légales, et les aider à monter en compétences si nécessaire.
    • Mesurer régulièrement leur niveau de conformité et instaurer des plans d’action correctifs ou un désengagement en cas de manquement grave.
6. En résumé

Les enjeux d’éthique et de conformité dans la fonction Achats revêtent une importance stratégique, tant pour préserver la réputation de l’entreprise que pour assurer sa performance à long terme. Les risques de corruption, de fraude ou de conflits d’intérêts peuvent avoir des conséquences majeures, mais ils peuvent être maîtrisés grâce à une culture d’intégrité, des processus robustes et un pilotage rigoureux.

Pour les professionnels et étudiants de la fonction Achats, il est essentiel de :

  • Connaître les principales réglementations (Sapin II, FCPA, UK Bribery Act) et les normes ISO (ISO 37001).
  • Maîtriser les dispositifs de prévention (code de conduite, cartographie des risques, canaux d’alerte, audits de conformité).
  • Développer une culture de la transparence et de la responsabilisation (reporting, formation, communication régulière).
  • Intégrer pleinement les volets éthiques et réglementaires dans la relation fournisseur, de la sélection à la contractualisation en passant par le suivi de la performance.

En s’appuyant sur ces bonnes pratiques, la fonction Achats devient un acteur incontournable pour diffuser les valeurs d’éthique et de conformité dans l’organisation et tout au long de la chaîne d’approvisionnement, créant ainsi un environnement plus juste, plus transparent et plus résilient.