Data Analytics et Big Data

Avec la transformation digitale, la fonction Achats dispose aujourd’hui de volumes de données considérables : catalogues produits, historiques de commandes, factures, informations sur les fournisseurs, indicateurs de performance, etc. L’exploitation intelligente de ces données via des techniques de Data Analytics et de Big Data ouvre la voie à de nouveaux leviers de performance, de prédiction et d’innovation. Dans un monde où la compétitivité repose de plus en plus sur la réactivité et la capacité à anticiper, la maîtrise de ces technologies devient un atout stratégique pour la fonction Achats.

Dans cet article, nous allons définir ce que recouvrent la Data Analytics et le Big Data dans les Achats, illustrer les applications concrètes, évoquer les principaux outils et évoquer les bonnes pratiques pour réussir une démarche data-driven au sein de la fonction.

1. Qu’entend-on par Data Analytics et Big Data dans les Achats ?
  • Data Analytics : ensemble des méthodes et outils visant à collecter, nettoyer, analyser et visualiser des données afin de prendre des décisions éclairées. Dans le contexte des Achats, il s’agit par exemple d’étudier les dépenses (spend analysis), de surveiller la performance fournisseurs (KPI), de détecter des anomalies ou d’identifier des tendances de prix.
  • Big Data : fait référence à des volumes massifs de données (et souvent hétérogènes) qui ne peuvent pas être traités avec des méthodes traditionnelles. Les sources peuvent être multiples : données internes (ERP, Systèmes d’Information Achats, capteurs logistiques) comme externes (réseaux sociaux, sites web, open data, sources météo, signaux du marché). L’enjeu est de tirer parti de ces données massives pour anticiper les évolutions et innover dans la chaîne d’approvisionnement.

Pourquoi ces concepts sont-ils essentiels pour la fonction Achats ?

  1. Une meilleure visibilité : cartographier en détail les dépenses, les flux logistiques, les comportements fournisseurs, etc.
  2. Des décisions plus rapides et plus pertinentes : identification quasi-immédiate des écarts, anomalies ou opportunités (tendances de prix, risques fournisseurs).
  3. La détection de nouveaux leviers d’économies : en croisant de larges ensembles de données, on repère des pistes d’optimisation insoupçonnées (massification, substitution de produits, renégociation).
  4. L’anticipation et la prédiction : mise en place de modèles prédictifs pour prévoir l’évolution des prix des matières premières, les risques de rupture, les tendances de consommation, etc.
  5. Le pilotage avancé : grâce à des tableaux de bord et des KPI dynamiques, la fonction Achats devient plus agile et réactive face aux aléas du marché.
2. Applications concrètes dans les Achats
2.1. Spend Analysis avancée
  • Consolidation des données : regrouper et structurer les informations issues de différentes sources (ERP, e-Procurement, factures, etc.) pour avoir une vision exhaustive des dépenses.
  • Segmentation fine : analyser les achats par catégorie, famille, fournisseur, zone géographique, etc.
  • Identification de gisements d’économies : repérer les doublons, les fournisseurs non référencés, les écarts de prix, et élaborer des stratégies de massification ou de rationalisation.
2.2. Pilotage de la performance fournisseurs
  • Monitoring en temps réel : mesurer le respect des délais (OTD), la qualité, le niveau de service (OTIF), la conformité RSE, etc.
  • Benchmarking et scoring : comparer la performance de plusieurs fournisseurs, attribuer un score global tenant compte de différents critères (coût, service, durabilité).
  • Prévention des risques : détecter les signaux faibles (retards récurrents, défaillance financière, réclamations clients) et mettre en place des plans d’action correctifs.
2.3. Prévision de la demande et optimisation des stocks
  • Analyse prédictive : utiliser des algorithmes (séries temporelles, machine learning) pour anticiper la demande future en s’appuyant sur l’historique des ventes et d’autres variables (saisonnalité, tendances du marché).
  • Ajustement dynamique des niveaux de stock : éviter la surproduction ou les ruptures en modélisant la variabilité de la demande et en pilotant finement la logistique (voir 5.1 – Gestion des stocks et des flux).
  • Collaboration avec la Supply Chain : partager des données et des prévisions avec les équipes logistiques et de production pour améliorer l’ensemble de la chaîne de valeur.
2.4. Gestion des risques et veille marché
  • Surveillance des évolutions de prix : croiser les données internes (coûts historiques) avec des données externes (cours des matières premières, indices économiques, actualités géopolitiques) pour anticiper les fluctuations.
  • Détection de fraudes ou de comportements inhabituels : analyser automatiquement les écarts de facturation, les commandes en double, les anomalies dans le panel fournisseurs.
  • Analyse d’opportunités : repérer de nouveaux fournisseurs potentiels, identifier les innovations clés, suivre les tendances technologiques ou réglementaires.
2.5. Automatisation et IA
  • Robotisation de l’analyse : déployer des robots logiciels (RPA) et des algorithmes d’apprentissage automatique pour traiter en continu des volumes massifs de données (voir 3.2 – Automatisation et RPA).
  • Chatbots et assistants virtuels : proposer aux acheteurs et prescripteurs des réponses instantanées sur les tarifs, la disponibilité des produits, l’historique de consommation (voir 3.5 – Intelligence artificielle et chatbots).
3. Les outils et technologies clés
  1. Logiciels de Business Intelligence (BI) : Power BI, Tableau, Qlik Sense… offrent des fonctionnalités de data visualization et de reporting avancé.
  2. Plates-formes Big Data : Hadoop, Spark, Elasticsearch… pour stocker et analyser d’énormes volumes de données.
  3. Solutions de Data Science : Python (pandas, NumPy, scikit-learn), R, SAS, Dataiku, RapidMiner… pour développer des modèles de prédiction et de machine learning.
  4. Systèmes d’Information Achats intégrés (S2P/P2P) : Coupa, SAP Ariba, Ivalua… qui embarquent désormais des modules d’analytics et de big data pour le spend analysis, la performance fournisseurs, etc.
  5. Plateformes de collaboration : écosystèmes où clients, fournisseurs et partenaires échangent des données opérationnelles pour co-innover ou optimiser la supply chain (blockchain, portail SRM, plateformes cloud).
4. Mettre en place une démarche data-driven dans les Achats
4.1. Définir la stratégie et les objectifs
  • Enjeux prioritaires : économiser sur les coûts, anticiper la demande, améliorer la qualité fournisseurs, réduire l’empreinte carbone, etc.
  • Indicateurs et métriques : choisir les KPI à suivre (savings, taux d’erreur, OTIF, taux de défaut, etc.) et s’assurer qu’ils sont mesurables via les données existantes.
  • Roadmap et gouvernance : établir un plan d’action clair (échéances, ressources, rôles), nommer un chef de projet data Achats ou constituer une équipe dédiée.
4.2. Collecter et nettoyer les données
  • Cartographie des sources : identifier où se trouvent les données (ERP, e-Procurement, fichiers Excel, bases externes), et comment elles sont structurées.
  • Qualité et homogénéisation : traiter les doublons, harmoniser les libellés (fournisseurs, articles), mettre en place des référentiels communs (codification).
  • Infrastructure adaptée : prévoir un data warehouse ou un data lake pour centraliser les informations, ou bien connecter les systèmes via des APIs.
4.3. Analyser et visualiser
  • Outils de BI et analytics : choisir une solution adaptée à la volumétrie et aux besoins d’exploration (Tableau, Power BI, Qlik, etc.).
  • Algorithmes prédictifs : mettre en place des modèles de machine learning si nécessaire (pour la prévision de demande, la détection de risques), en veillant à la robustesse et à la pertinence des données d’entraînement.
  • Visualisation et storytelling : créer des tableaux de bord clairs, des rapports percutants, et diffuser la culture data au sein de l’entreprise.
4.4. Prendre des décisions et améliorer en continu
  • Implication de la direction et des opérationnels : s’assurer que les rapports et analyses sont compréhensibles, actionnables et alignés sur les objectifs stratégiques.
  • Mise en place d’actions correctives : renégociation, réduction du panel fournisseurs, refonte de contrats, ajustement des niveaux de stock, etc.
  • Itération permanente : la qualité des analyses dépend aussi du feedback des utilisateurs (acheteurs, managers). Les besoins évoluent, la data doit être mise à jour et enrichie en continu.
5. Facteurs clés de succès
  1. Leadership et culture d’entreprise
    • Les Achats doivent encourager la culture data et la curiosité, en valorisant l’importance de la qualité des données et de l’analyse factuelle.
    • Le soutien du top management est essentiel pour flécher des ressources et ancrer la démarche dans la stratégie globale.
  2. Gouvernance des données
    • Définir des rôles (Data Steward, Data Owner), des politiques de sécurité et de confidentialité (RGPD, clauses fournisseurs).
    • Mettre en place une documentation claire et des processus de mise à jour des référentiels.
  3. Collaboration avec la DSI et la Finance
    • Les chantiers data sont souvent transversaux : la fonction Achats doit travailler de concert avec la DSI pour la partie technique (infrastructures, APIs, BI) et avec la Finance pour s’assurer de la cohérence des indicateurs économiques.
  4. Choix des outils adaptés
    • Éviter les déploiements trop ambitieux si l’entreprise n’a pas la maturité nécessaire. Mieux vaut démarrer par un pilote sur une catégorie d’achats pour valider la pertinence et la faisabilité.
  5. Compétences et formation
    • Les acheteurs doivent acquérir des compétences en data literacy (lecture, interprétation, utilisation des rapports).
    • Des profils spécialisés (data analyst, data scientist) peuvent être nécessaires selon l’ampleur du projet.
  6. Amélioration continue
    • La data analytics n’est pas figée : il faut régulièrement mettre à jour les modèles, les sources de données, et réévaluer les objectifs et les KPI en fonction de l’évolution de l’entreprise et du marché.
6. En résumé

Le recours à la Data Analytics et au Big Data dans la fonction Achats offre de formidables opportunités pour optimiser les processus, réduire les coûts, anticiper les risques et innover dans la chaîne d’approvisionnement. En collectant et en analysant en continu des volumes massifs de données – qu’elles proviennent de sources internes ou externes –, les équipes Achats peuvent prendre des décisions éclairées et réactives, renforcer leur collaboration avec les autres départements (Finance, Supply Chain) et jouer un rôle stratégique dans la compétitivité de l’entreprise.

Pour les professionnels et étudiants de la fonction Achats, il est crucial de comprendre :

  • Comment déployer une démarche data-driven (de la collecte à l’analyse, en passant par l’architecture technique),
  • Quels outils et approches utiliser (BI, data lakes, machine learning),
  • Quels sont les leviers concrets pour améliorer la performance (spend analysis, pilotage fournisseurs, prévision de la demande, etc.),
  • Comment intégrer la culture data dans le quotidien de la fonction Achats (formation, gouvernance, conduite du changement).

À l’ère du numérique, la Data Analytics et le Big Data s’imposent comme des vecteurs d’excellence et de transformation pour la fonction Achats, lui permettant de monter en puissance et d’apporter une valeur ajoutée tangible à l’ensemble de l’entreprise.