Contrôle et audit des achats publics

Dans le cadre des marchés publics, le contrôle et l’audit occupent une place centrale pour garantir la régularité des procédures, la bonne utilisation des deniers publics et la conformité aux objectifs fixés (économies, qualité, délais, innovation, etc.). En effet, les organismes publics sont soumis à des exigences de transparence, de redevabilité et de performance, qui se traduisent par un système de contrôle interne et externe, ainsi que par des audits périodiques.

Dans cet article, nous allons aborder les principales formes de contrôle (interne, externe, juridictionnel), les objectifs et modalités de l’audit des achats publics, ainsi que les facteurs clés de réussite pour assurer un pilotage efficace et fiable de la commande publique.

1. Pourquoi contrôler et auditer les achats publics ?
  1. Garantir la légalité et la conformité
    • Vérifier que les procédures de passation (publicité, mise en concurrence) et d’exécution (paiement, avenants, pénalités) respectent les règles législatives et réglementaires.
    • Assurer le respect des principes fondamentaux (égalité de traitement, transparence, libre accès).
  2. Assurer la bonne gestion des deniers publics
    • Évaluer l’efficacité et l’efficience de la dépense publique (cohérence des dépenses, optimisation des ressources, pertinence des choix).
    • Détecter et prévenir les risques de fraude, de corruption, de conflits d’intérêts ou de favoritisme.
  3. Renforcer la confiance et la crédibilité
    • Rassurer les citoyens, les élus et les organismes de tutelle sur la qualité et l’objectivité des décisions.
    • Maintenir l’image de l’organisme public et encourager la compétition loyale sur le marché.
  4. Piloter la performance
    • Identifier les points d’amélioration et les leviers d’optimisation (gestion des risques, mutualisation, recours à l’innovation).
    • Mesurer l’atteinte des objectifs fixés (savings, délais, critères RSE, etc.).
2. Les différents types de contrôle
2.1. Contrôle interne
  • Organisation et procédures internes :
    • Mise en place d’un système de contrôle au sein de l’entité adjudicatrice (charte des achats, manuel de procédures, séparation des tâches, seuils d’engagement).
    • Vérification périodique par les services comptables, juridiques ou achats (revue des dossiers, cohérence des pièces, respect des seuils).
  • Auto-évaluation et auto-contrôle :
    • Les agents ou responsables sont responsables de la conformité de leurs actes (notamment via des workflows informatisés).
    • Des indicateurs de suivi (KPI) et des alertes permettent de détecter les anomalies.
2.2. Contrôle externe non juridictionnel
  • Organismes de tutelle ou d’inspection :
    • Par exemple, dans certains pays, le contrôle peut être exercé par une Inspection générale ou un contrôleur général des finances, qui vérifient la régularité et l’opportunité des dépenses.
  • Contrôle de légalité du représentant de l’État (préfet) :
    • Vérification des délibérations et actes relatifs aux marchés publics pour s’assurer de leur conformité juridique.
  • Structure spécialisée :
    • Certaines autorités (comme l’Autorité de la concurrence, l’Autorité de régulation des marchés publics) peuvent intervenir pour veiller à la saine concurrence et enquêter sur les pratiques suspectes.
2.3. Contrôle juridictionnel
  • Juridictions administratives (tribunal administratif, cour administrative d’appel) :
    • Saisies en cas de contestation d’une décision d’attribution, de litige sur un avenant, de résiliation, etc.
    • Peuvent prononcer l’annulation d’un marché, des injonctions ou des dommages-intérêts.
  • Cours des comptes :
    • Contrôle a posteriori de la gestion publique (comptes, équilibre budgétaire, respect des règles), publication de rapports et recommandations.
  • Chambres régionales des comptes :
    • Évaluation de la régularité et de l’efficience des dépenses des collectivités territoriales, établissements publics locaux, etc.
3. L’audit des achats publics : objectifs et démarche
3.1. Définition de l’audit

L’audit est une examen indépendant et objectivé visant à évaluer l’efficacité, la conformité et la performance d’une organisation ou d’un processus, selon des normes ou référentiels reconnus. Dans le domaine des achats publics, l’audit porte sur :

  • Les procédures (respect du code ou des directives, transparence, traçabilité).
  • Les contrôles internes (existence et application des manuels de procédures, séparation des fonctions, outils informatiques).
  • La performance (optimisation des coûts, satisfaction des besoins, innovation, RSE).
  • La gestion des risques (fraude, corruption, retards, litiges).
3.2. Les étapes d’un audit Achats
  1. Préparation :
    • Définir le champ (période, périmètre organisationnel), les objectifs (conformité, performance, etc.) et les méthodes (entretiens, analyse documentaire, tests).
    • Identifier les acteurs (auditeurs internes/externes, direction achats, direction financière).
  2. Collecte des informations :
    • Analyse des documents (procédures, dossiers de marché, contrats, factures, fiches de suivi).
    • Entretiens avec les agents, les responsables, éventuellement les fournisseurs.
  3. Tests et vérifications :
    • Vérification des pièces justificatives, reconstitution du circuit de validation, échantillonnage de marchés.
    • Contrôle de la mise en concurrence, évaluation de l’indépendance et de la traçabilité des décisions.
  4. Analyse et synthèse :
    • Identification des écarts entre la situation observée et les référentiels (code des marchés publics, manuels internes, normes ISO, etc.).
    • Appréciation de la gravité (anomalies mineures ou majeures, risques financiers, réputationnels).
  5. Rapport d’audit et recommandations :
    • Présentation des conclusions (points forts, points faibles).
    • Émission de recommandations pour améliorer la conformité, l’efficacité et la sécurité des processus (actions correctives, formations, refonte organisationnelle, etc.).
  6. Suivi post-audit :
    • Mise en œuvre des plans d’action, suivi des progrès, réévaluation si nécessaire.
4. Audit interne vs. audit externe
  1. Audit interne
    • Réalisé par un service d’audit ou de contrôle intégré à l’organisation publique.
    • Avantages : meilleure connaissance de la culture interne, réactivité, approche pédagogique.
    • Limites : risque de manque d’objectivité, dépendance hiérarchique, complexité pour pointer des dysfonctionnements majeurs.
  2. Audit externe
    • Confié à un cabinet d’audit indépendant ou un organisme spécialisé (Cour des comptes, cabinet privé).
    • Avantages : regard neuf, expertise technique, crédibilité accrue.
    • Limites : coût parfois élevé, temps d’adaptation pour comprendre le contexte.
5. Gestion des risques et dispositifs anticorruption
  • Cartographie des risques : identifier les zones sensibles (grands marchés, achats stratégiques, risques de collusion ou d’entente).
  • Code de déontologie : définir et diffuser les règles éthiques (cadeaux, conflits d’intérêts, transparence).
  • Dispositif d’alerte : canal de whistleblowing permettant de signaler des faits de corruption ou de fraude (voir 2.3 – Éthique et conformité).
  • Formation du personnel : sensibiliser les agents et les élus aux enjeux de la probité, aux sanctions encourues, aux bonnes pratiques.
  • Surveillance accrue : recours à l’analyse des données (data analytics) pour repérer des anomalies (factures suspects, fragmentation de marchés, surfacturation, etc.).
6. Facteurs clés de réussite d’un contrôle ou d’un audit
  1. Collaboration et transparence
    • Les services audités doivent coopérer, fournir les documents et données en toute bonne foi.
    • L’auditeur doit communiquer clairement sur le périmètre, les objectifs et les méthodes.
  2. Compétences et indépendance
    • L’auditeur doit maîtriser la réglementation des marchés publics, les techniques d’investigation et d’évaluation.
    • Son impartialité garantit la fiabilité des constats et l’acceptation des recommandations.
  3. Clarté des référentiels
    • Les normes d’audit, les procédures internes et la réglementation doivent être clairement définies et accessibles, afin de limiter les interprétations divergentes.
  4. Approche constructive
    • Au-delà de la détection d’erreurs, l’audit doit proposer des pistes d’amélioration.
    • Les recommandations doivent être réalistes, priorisées et suivies d’un plan d’action.
  5. Culture de l’amélioration continue
    • Intégrer les enseignements des audits précédents, mettre à jour les pratiques, évaluer régulièrement l’efficacité des mesures correctives.
7. En résumé

Le contrôle et l’audit des achats publics sont des dispositifs essentiels pour garantir :

  • La conformité des procédures (respect des lois, concurrence loyale, transparence),
  • La performance de la commande publique (optimisation des ressources, qualité, innovation),
  • La sécurisation des transactions (lutte contre la corruption, gestion des risques),
  • La confiance des citoyens et des acteurs économiques.

Pour les professionnels et étudiants de la fonction Achats, il est crucial de :

  • Connaître les principaux mécanismes de contrôle (interne, externe, juridictionnel) et les étapes d’un audit (collecte, analyse, rapport, suivi),
  • Comprendre l’importance de la culture de compliance (dispositifs anticorruption, codes de déontologie, cartographie des risques),
  • Savoir mettre en place des indicateurs (KPI) et des outils (data analytics, plateformes e-Procurement, manuels de procédures) pour piloter efficacement la fonction Achats publics,
  • Favoriser une approche pédagogique et constructive de l’audit, en mettant l’accent sur l’amélioration continue et la coopération avec les auditeurs et les autorités de tutelle.

En adoptant une démarche proactive et transparente, l’organisme public peut renforcer sa légitimité, encourager la concurrence, et améliorer durablement la qualité et la fiabilité de ses opérations d’achat.