Dans le domaine des achats publics, la passation des marchés obéit à des règles spécifiques destinées à garantir la transparence, la concurrence équitable et la sécurité juridique. Les institutions publiques (États, collectivités territoriales, établissements publics, etc.) doivent respecter un cadre législatif et réglementaire national et parfois européen (ou d’autres instances supranationales, selon les pays et les accords internationaux). Ce cadre impose des principes et des procédures précises pour prévenir la corruption, favoriser la mise en concurrence et assurer la bonne utilisation des deniers publics.
Dans cet article, nous allons définir les grands principes et le champ d’application du cadre législatif et réglementaire des marchés publics, évoquer les différentes directives et règlements, et souligner les enjeux pour les acteurs concernés (pouvoir adjudicateur, opérateurs économiques, citoyens).
Liberté d’accès à la commande publique
Toute entreprise, quelle que soit sa taille ou sa nationalité (dans l’Union européenne notamment), doit pouvoir accéder aux appels d’offres, sous réserve de respecter les conditions requises.
Égalité de traitement des candidats
Les critères d’attribution et les procédures doivent être impartiaux et non discriminatoires.
Les informations fournies aux candidats doivent être identiques et simultanées.
Transparence des procédures
Les modalités de consultation (dates, critères de sélection, cahier des charges) doivent être clairement définies et publiées.
Les décisions (attribution, rejet) doivent être motivées et communiquées aux candidats.
Efficacité de la commande publique
Les pouvoirs adjudicateurs ont pour objectif de satisfaire le besoin exprimé (qualité, délais, etc.) tout en optimisant le coût global et en préservant l’intérêt général.
Responsabilité et contrôle
Les procédures et les décisions peuvent faire l’objet de contrôles et de recours, tant internes qu’externes (juridictions administratives, organismes de contrôle, etc.).
Accord sur les marchés publics (AMP) de l’OMC : impose des règles de non-discrimination et de transparence pour l’accès aux marchés publics entre les pays signataires.
Directives européennes : en Europe, plusieurs directives (2014/24/UE, 2014/25/UE, 2014/23/UE, etc.) encadrent les marchés publics (marchés classiques, secteurs spéciaux, concessions).
Autres accords commerciaux : certains traités de libre-échange (CETA, par exemple) contiennent des dispositions spécifiques sur l’ouverture et la protection de la commande publique.
Lois et codes : dans chaque pays, il existe un cadre législatif (souvent un Code des marchés publics ou un ensemble de lois spécifiques) traduisant les directives supranationales et ajoutant des règles nationales propres (transposition).
Décrets et arrêtés d’application : précisent les modalités pratiques (seuils financiers, documents à fournir, procédures, délais).
Circulaires et guides : émanent des autorités de tutelle (ministères, organismes de régulation) pour orienter l’application concrète et clarifier les points réglementaires.
Décisions des juridictions administratives : en cas de litige ou de recours (irrégularité d’une procédure, contestation d’attribution), les tribunaux ou cours administratives arbitrent et créent des précédents.
Autorités de contrôle : certaines institutions (Conseil de la concurrence, cour des comptes, autorités de régulation) émettent des avis ou prononcent des sanctions qui façonnent la pratique des marchés publics.
Pouvoirs adjudicateurs :
État, collectivités territoriales, établissements publics, groupements d’intérêt public.
Organismes de droit privé exerçant une mission d’intérêt général (selon la législation de chaque pays).
Entités adjudicatrices (secteurs spéciaux) :
Entreprises publiques et autorités agissant dans le cadre de certains secteurs (eau, énergie, transport, télécommunications…) soumis à des règles parfois spécifiques.
Seuils de publicité et de mise en concurrence : au-delà d’un montant déterminé, les pouvoirs adjudicateurs sont tenus de publier un avis d’appel public à la concurrence et de respecter une procédure formalisée (appel d’offres, dialogue compétitif, etc.).
Seuils nationaux et européens : régulièrement révisés, ces seuils varient selon la nature du marché (fournitures, services, travaux) et la qualité du pouvoir adjudicateur (pouvoir adjudicateur « classique » vs. entité adjudicatrice).
Procédures adaptées : en dessous de certains seuils, des procédures plus souples (dites procédures adaptées ou MAPA) peuvent être appliquées, tout en respectant les principes généraux (transparence, égalité de traitement).
Marchés de travaux : construction, rénovation, entretien d’infrastructures ou de bâtiments.
Marchés de fournitures : acquisition de biens (mobilier, matériel informatique, véhicules, etc.).
Marchés de services : prestations intellectuelles (consulting, études), services de maintenance, d’assurance, etc.
Concessions et partenariats : le cocontractant se rémunère sur l’exploitation de l’ouvrage ou du service (délégation de service public, PPP – partenariats public-privé).
Accords-cadres : contrats-cadres fixant les conditions générales (prix, quantités maximales, etc.) pour une période donnée, permettant d’émettre ensuite des bons de commande ou des marchés subséquents.
Pour les entreprises souhaitant répondre aux marchés publics :
Accès équitable : assurer le respect des conditions imposées (capacités techniques et financières, références, etc.).
Anticipation et veille : surveiller les publications officielles (journaux d’annonces légales, plateformes électroniques) et les seuils correspondants.
Respect des formalités : constituer un dossier de candidature conforme (documents administratifs, déclaration sur l’honneur, attestations fiscales et sociales, etc.).
Connaissance des spécificités : maîtriser les règles de transparence, de sous-traitance, de variantes, de négociation (ou non) en fonction de la procédure.
Règles de déontologie : éviter les ententes illicites, la corruption, le conflit d’intérêts, etc. (voir 2.3 – Éthique et conformité).
Simplification et modernisation :
Dématérialisation des procédures (profil d’acheteur, e-notification, e-tendering).
Harmonisation progressive des règles entre les États membres de l’UE ou entre pays signataires d’accords internationaux.
Achats responsables et critères RSE :
Introduction de clauses sociales et environnementales, pondération des offres sur des critères de développement durable, promotion de l’économie circulaire.
Responsabilité sociétale des pouvoirs adjudicateurs (insertion, protection de l’environnement, égalité femmes-hommes, etc.).
Promotion de la concurrence :
Incitations à la participation des PME et des acteurs locaux.
Lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et corruption.
Focus sur la qualité et l’innovation :
Procédures adaptées (dialogue compétitif, partenariat d’innovation) pour encourager les solutions innovantes et la co-conception avec les entreprises.
Approche coût/qualité (TCO, life cycle cost) plutôt que l’unique critère du prix le plus bas.
Gestion des risques :
Nécessité de sécuriser juridiquement la passation, l’exécution et le suivi des marchés (pénalités de retard, clauses de révision, suivi de la sous-traitance).
Meilleure transparence pour éviter la fraude et la corruption, avec des mécanismes de contrôle (ex : contrôles internes, audits, alertes).
Se tenir informé : suivre les évolutions législatives et réglementaires, notamment les seuils et les nouvelles directives, via des sites officiels, des organismes de formation, des réseaux spécialisés (ex. UGAP, MEA, etc.).
Maîtriser les procédures : connaître les différentes étapes (publication, candidature, offre, négociation éventuelle, attribution) et les documents demandés.
Optimiser sa candidature : soigner la réponse technique, démontrer les références, anticiper les exigences en matière de RSE, de sous-traitance, de partenariats (co-traitance).
Digitaliser : recourir aux plateformes de dématérialisation, se familiariser avec la signature électronique, utiliser les outils de veille pour détecter les appels d’offres pertinents.
Cultiver les compétences juridiques : comprendre les clauses contractuelles, savoir gérer les litiges ou les procédures de recours, solliciter un appui spécialisé si besoin (cabinet d’avocats, juristes internes).
Le cadre législatif et réglementaire des marchés publics repose sur des principes fondamentaux (liberté d’accès, égalité de traitement, transparence), inscrits dans des textes internationaux, européens et nationaux. Les pouvoirs adjudicateurs et opérateurs économiques doivent respecter des procédures strictes, adaptées aux seuils financiers et aux différents types de marchés (travaux, fournitures, services, concessions).
Pour les professionnels et étudiants de la fonction Achats, il est primordial de :
Comprendre ces principes et le fonctionnement du cadre réglementaire, afin d’identifier les enjeux spécifiques des marchés publics (mise en concurrence, sécurité juridique, etc.).
Suivre les évolutions (dématérialisation, clauses RSE, innovation, simplification) qui modifient en continu le paysage de la commande publique.
Développer des compétences juridiques et administratives pour sécuriser la passation et l’exécution des marchés publics.
Au-delà de la simple conformité, la connaissance approfondie de la réglementation offre une opportunité pour optimiser les pratiques d’achat dans le secteur public, favoriser la qualité des prestations, l’innovation, et renforcer la confiance des citoyens dans l’utilisation des fonds publics.