Acheteur Direct / Indirect

Au sein de la fonction Achats, le rôle de l’acheteur direct et celui de l’acheteur indirect se distinguent principalement par la nature des produits et services qu’ils achètent, ainsi que par l’impact de ces achats sur la chaîne de valeur. Les acheteurs directs se concentrent sur les produits, matières premières et composants entrant directement dans la fabrication (ou la commercialisation) de l’offre de l’entreprise, tandis que les acheteurs indirects gèrent les dépenses nécessaires au fonctionnement quotidien de l’organisation (frais généraux, prestations de services, IT, marketing, etc.). Ces deux métiers, bien que différents, sont complémentaires et contribuent ensemble à la performance globale de l’entreprise.

Dans cet article, nous allons définir les missions principales de l’acheteur direct et de l’acheteur indirect, expliquer leurs spécificités et présenter les compétences requises pour exceller dans chacune de ces fonctions.

1. Qu’est-ce qu’un acheteur direct ?
  1. Définition
    • L’acheteur direct se concentre sur l’achat de produits ou de services qui entrent directement dans la composition du produit final ou du service vendu par l’entreprise.
    • Par exemple : matières premières (acier, bois, textile), composants électroniques, pièces mécaniques, ingrédients alimentaires.
  2. Enjeux
    • Les achats directs ont un impact immédiat sur la production et la qualité du produit final.
    • Une rupture d’approvisionnement ou une non-conformité peut bloquer la ligne de production et affecter la satisfaction client.
    • La relation fournisseurs est souvent stratégique, car la compétitivité de l’offre dépend en partie des coûts et de la fiabilité de ces fournitures (voir 5.4 – Gestion de la relation fournisseurs).
  3. Caractéristiques
    • Forte technicité : l’acheteur direct doit comprendre les spécifications techniques, les normes et la chaîne logistique associée.
    • Importance de la collaboration avec la production, la R&D, la qualité pour s’assurer de l’adéquation entre les besoins techniques et les offres du marché.
2. Qu’est-ce qu’un acheteur indirect ?
  1. Définition
    • L’acheteur indirect est responsable des achats qui ne rentrent pas dans la composition directe du produit ou du service vendu, mais qui soutiennent le fonctionnement de l’entreprise.
    • Par exemple : achats de services informatiques, prestations de conseil, fournitures de bureau, marketing, voyages, maintenance, énergie.
  2. Enjeux
    • Les achats indirects représentent souvent un portefeuille diversifié et peuvent être moins visibles dans la structure de coûts, mais leur optimisation peut générer des économies substantielles.
    • Ces achats influent aussi sur la productivité (outils, prestations intellectuelles) et la satisfaction des collaborateurs (ex. services généraux, solutions IT).
  3. Caractéristiques
    • Nécessité de négocier avec un large panel de fournisseurs (agences de marketing, SSII, loueurs de véhicules, etc.), parfois avec des contrats complexes (licences logicielles, SLA, etc.).
    • Collaboration transversale avec des services internes variés (IT, finance, ressources humaines, facilities management) pour définir les besoins et aligner les budgets.
3. Missions principales de l’acheteur direct et indirect
  1. Identification des besoins
    • Acheteur direct : se coordonne avec la production, la R&D, le bureau d’études pour cerner les spécifications techniques et les quantités nécessaires.
    • Acheteur indirect : travaille avec les directions fonctionnelles (IT, marketing, finance) pour comprendre leurs besoins opérationnels et élaborer des cahiers des charges.
  2. Analyse du marché et sourcing
    • Rechercher de nouveaux fournisseurs, évaluer leur capacité, leur fiabilité, leurs conditions commerciales.
    • Mettre en place une veille sur les tendances, les innovations, les variations de prix ou la réglementation (REACH, normes ISO, etc.).
  3. Négociation et contractualisation
    • Élaborer les contrats (clauses, incoterms, pénalités, SLA), négocier les prix, délais et conditions de paiement.
    • Anticiper les risques (fluctuation des matières premières, dépendance fournisseur) et prévoir des mécanismes d’ajustement (indexation, clauses de révision).
  4. Gestion de la relation fournisseurs
    • Suivre la qualité des livraisons, le respect des délais, gérer les litiges (non-conformités, retards).
    • Chercher des axes d’amélioration et d’innovation avec les partenaires stratégiques (co-innovation, projets Lean).
  5. Pilotage de la performance achat
    • Définir des KPI (coût total d’acquisition, taux de service, économies réalisées, impact RSE) et analyser les résultats pour proposer des actions correctives.
    • Collaborer avec la Supply Chain pour optimiser les stocks, les flux, les délais de livraison (voir 5.1 – Gestion des stocks et des flux).
4. Spécificités et défis du métier d’acheteur direct
  1. Connaissance technique approfondie
    • L’acheteur direct doit maîtriser les caractéristiques des matériaux, composants ou ingrédients, souvent en lien étroit avec l’ingénierie ou la R&D.
    • La qualité et la conformité aux normes (sécurité, environnement) sont essentielles.
  2. Synchronisation avec la production
    • Les stocks de matières premières ou de composants doivent être gérés de près pour éviter toute rupture (ligne de production à l’arrêt) ou surstock.
    • Travailler en mode Juste-à-temps ou flux tiré nécessite une excellente coordination logistique.
  3. Gestion des risques d’approvisionnement
    • Volatilité des prix (métaux, énergie, commodités), fluctuations de taux de change, pressions géopolitiques.
    • Besoin de cartographier les risques et d’élaborer des plans de contingence (dual sourcing, stock de sécurité).
  4. Évolution technologique et innovation
    • Les cycles d’innovation peuvent être rapides (notamment dans l’électronique, l’automobile), imposant de réévaluer régulièrement le panel fournisseurs.
    • Recherche de partenariats stratégiques pour co-développer des solutions innovantes ou abaisser les coûts de production.
5. Spécificités et défis du métier d’acheteur indirect
  1. Portefeuille d’achats varié
    • Les familles d’achats indirects sont hétérogènes (IT, marketing, RH, transports, maintenance, etc.).
    • Chaque catégorie requiert des compétences et un vocabulaire spécifiques (contrats SaaS, licences logicielles, services intellectuels…).
  2. Collaboration avec des experts métiers
    • L’acheteur indirect travaille en transversal avec les directions internes (DSI, DRH, DAF, etc.) pour définir les besoins et valider les spécifications.
    • La complexité des dossiers peut être élevée (contrats de consulting, mise en place de solutions cloud, services marketing digitaux…).
  3. Gestion de la qualité et de la satisfaction interne
    • Les « clients » de l’acheteur indirect sont souvent les collaborateurs en interne.
    • Un service mal défini ou de mauvaise qualité (ex. prestations de nettoyage, téléphonie) peut nuire à la productivité et au climat social.
  4. Optimisation des coûts cachés
    • Les dépenses indirectes peuvent représenter un pourcentage significatif du chiffre d’affaires mais sont souvent dispersées et moins contrôlées.
    • Mise en place de procédures (e-Procurement, référencements, contrats-cadres) pour canaliser les achats et générer des économies (effet de volume, rationalisation du panel fournisseurs).
6. Compétences requises pour les acheteurs directs et indirects
  1. Compétences communes
    • Négociation : savoir défendre les intérêts de l’entreprise et construire une relation gagnant-gagnant.
    • Analyse de marché et sourcing : recherche de fournisseurs, évaluation des offres, veille concurrentielle.
    • Gestion des risques : cartographie, plans de contingence, clauses contractuelles de sécurité.
    • Qualités relationnelles : communication, leadership, aptitude à collaborer en transversal (avec les équipes internes et les fournisseurs).
    • Sens de l’organisation et rigueur (respect des procédures, suivi des documents, reporting).
  2. Compétences spécifiques à l’acheteur direct
    • Expertise technique : compréhension des produits, des processus de fabrication, des normes de qualité.
    • Connaissance des flux logistiques : JAT, stocks de sécurité, Kanban, etc.
    • Approche financière : gestion des fluctuations de prix (matières premières, taux de change), éventuellement recours à des couvertures (hedging).
  3. Compétences spécifiques à l’acheteur indirect
    • Polyvalence : capacité à aborder des familles d’achats très différentes (IT, marketing, consulting…).
    • Approche service : compréhension des besoins internes, recherche de solutions innovantes pour soutenir les opérations de l’entreprise.
    • Gestion de la diversité contractuelle : SLA, contrats de maintenance, licences logicielles, obligations légales spécifiques (RGPD, droit du travail, etc.).
7. Perspectives et évolutions
  1. Digitalisation des Achats
    • Les outils e-Procurement, les plateformes collaboratives, l’IA (chatbots, RPA) transforment le métier d’acheteur (voir 3 – Digitalisation des Achats).
    • Les acheteurs doivent apprendre à utiliser et à piloter ces outils pour gagner en efficacité.
  2. Croissance de la RSE et de l’achat responsable
    • Les enjeux environnementaux, sociaux et éthiques prennent de plus en plus d’importance (respect des droits humains, empreinte carbone, circularité).
    • Les acheteurs directs/indirects sont amenés à intégrer des critères RSE dans leurs cahiers des charges et leurs évaluations fournisseurs (voir 2 – Achats Responsables).
  3. Globalisation et gestion des risques
    • Les flux internationaux, la dépendance à certaines zones géographiques (Asie, Europe de l’Est, etc.) ou la fragilité de certaines matières premières imposent une vision plus large de la gestion des risques.
    • Les acheteurs renforcent leurs compétences en supply chain management, en veille géopolitique et en compliance.
  4. Montée en compétence et spécialisation
    • Les acheteurs directs et indirects peuvent se spécialiser (familles techniques, IT, marketing, achats responsables) ou évoluer vers des postes de management (Responsable Achats, CPO, direction supply chain).
    • L’appétence pour la data (analyse, reporting) et la vision stratégique sont également valorisées.
8. En résumé

Les acheteurs directs et acheteurs indirects occupent des rôles complémentaires dans la fonction Achats :

  • L’acheteur direct se concentre sur les produits entrant dans la composition de l’offre de l’entreprise, travaillant étroitement avec la production et la R&D pour assurer la qualité, la disponibilité et la compétitivité des ressources critiques.
  • L’acheteur indirect gère les dépenses de fonctionnement (services généraux, IT, marketing, etc.), assurant un support aux équipes internes et optimisant les coûts souvent moins visibles mais potentiellement significatifs.

Pour les professionnels et étudiants de la fonction Achats, il est essentiel de :

  1. Comprendre les différences de périmètre et d’enjeux entre achats directs et indirects,
  2. Maîtriser les compétences transversales (négociation, analyse de marché, gestion des risques) et les spécificités liées à chaque domaine d’achat,
  3. Collaborer étroitement avec les prescripteurs internes (production, IT, finance, marketing) et les fournisseurs,
  4. Intégrer les nouvelles tendances (digitalisation, RSE, globalisation) pour faire évoluer la fonction Achats vers plus de performance et de durabilité,
  5. Se former continuellement pour rester à la pointe des pratiques (Lean, Category Management, S2P, etc.) et des outils (ERP, e-Procurement, IA).

En adoptant cette approche, l’acheteur, qu’il soit direct ou indirect, contribue directement à la création de valeur et à la compétitivité de l’entreprise, tout en renforçant la satisfaction des parties prenantes internes et externes.