Achats durables et économie circulaire

Dans un contexte où les enjeux environnementaux et sociétaux occupent une place croissante, les Achats durables s’imposent comme un levier essentiel pour les entreprises et les organisations souhaitant concilier performance économique, préservation des ressources et responsabilité sociale. L’économie circulaire, qui vise à repenser les modes de production et de consommation en bouclant les flux de matière et d’énergie, est un concept clé pour réduire l’empreinte écologique et favoriser l’innovation.

Dans cet article, nous allons définir ce que recouvrent les Achats durables et l’économie circulaire, comprendre en quoi ils s’intègrent dans la démarche globale des Achats Responsables, et identifier les bonnes pratiques pour mettre en œuvre ces approches de manière concrète et efficace.

1. Qu’entend-on par Achats durables ?

Les Achats durables consistent à prendre en compte, dans le processus d’approvisionnement, des critères économiques, sociaux et environnementaux, tout au long du cycle de vie des produits ou services achetés. L’objectif est de minimiser les impacts négatifs sur la planète et sur la société, tout en créant de la valeur pour l’entreprise et ses parties prenantes.

  • Dimension économique : viser un Total Cost of Ownership (TCO) optimisé, soutenir le tissu local, contribuer à l’innovation et à la compétitivité à long terme.
  • Dimension sociale : favoriser les entreprises qui respectent les normes sociales (droits humains, conditions de travail), privilégier l’inclusion et la diversité, soutenir le développement des compétences.
  • Dimension environnementale : réduire l’empreinte carbone, limiter la consommation de ressources non renouvelables, lutter contre la pollution, promouvoir le recyclage et la valorisation des déchets.

Les bénéfices attendus

  1. Réduction des risques : limiter la dépendance aux ressources rares, anticiper les contraintes réglementaires, préserver la réputation de l’entreprise.
  2. Création de valeur : générer des économies sur le long terme (éco-conception, optimisation des emballages, réduction des déchets), améliorer la qualité et la satisfaction des clients internes et finaux.
  3. Avantage concurrentiel : répondre aux attentes croissantes des consommateurs et des investisseurs en matière de responsabilité sociétale et environnementale.
  4. Innovation et co-développement : encourager des relations plus étroites avec les fournisseurs, sources de nouvelles idées et de solutions durables.
2. L’économie circulaire : une approche systémique
  • L’économie circulaire est un modèle économique qui s’oppose à l’économie linéaire traditionnelle (« extraire – produire – consommer – jeter »). Elle repose sur la réduction, la réutilisation et le recyclage des matériaux et vise à prolonger au maximum la durée de vie des produits et des ressources.

    Les principes clés de l’économie circulaire

    1. Conception éco-responsable : intégrer la recyclabilité, la réparabilité et la durabilité dès la phase de conception.
    2. Allongement de la durée de vie : promouvoir la réparation, la réutilisation, la remise à neuf, voire l’upcycling (donner une seconde vie à des matériaux).
    3. Bouclage des flux : valoriser les déchets en matières premières secondaires (recyclage) et limiter l’extraction de ressources vierges.
    4. Économie de la fonctionnalité : privilégier l’usage plutôt que la possession (location, mutualisation, etc.).

    Les implications pour la fonction Achats

    • Sélection des fournisseurs : privilégier les acteurs qui intègrent l’économie circulaire dans leurs process (logistique inverse, utilisation de matières recyclées, etc.).
    • Stratégies d’approvisionnement : rechercher des alternatives plus durables (matières premières renouvelables, énergies vertes, procédés de fabrication économe en ressources).
    • Modèles contractuels innovants : adopter des solutions de leasing, de pay-per-use ou de location pour diminuer l’impact environnemental et optimiser les coûts.
    • Collaboration renforcée : co-construire avec les fournisseurs et les prescripteurs internes des solutions éco-conçues, mettre en place des boucles de récupération et de valorisation des produits en fin de vie.
3. Intégrer les Achats durables et l’économie circulaire dans la stratégie globale
3.1. Alignement avec la vision de l’entreprise
  • Définition d’objectifs clairs : formaliser des engagements chiffrés (réduction des émissions de CO₂, baisse de la consommation d’eau ou d’énergie, part de matières recyclées, etc.).
  • Impulsion du top management : la direction doit soutenir et valoriser les initiatives d’achats durables, allouer les ressources nécessaires et intégrer ces enjeux dans les indicateurs de performance.
3.2. Évaluation des besoins et cartographie des enjeux
  • Analyse interne : identifier les familles d’achats les plus pertinentes pour initier une démarche d’économie circulaire (matériaux, packaging, équipements IT, etc.).
  • Diagnostic des risques et opportunités : évaluer l’impact environnemental et social de chaque catégorie, repérer les gisements d’économie et d’innovation (voir 1.5 – Gestion des Risques et Pilotage de la Performance Achats).
  • Priorisation : concentrer les efforts sur les familles d’achats à fort levier (gros volumes, impact important, forte visibilité).
3.3. Sélection et évaluation des fournisseurs
  • Critères RSE : intégrer des critères environnementaux et sociaux dans les appels d’offres (certifications, bilans carbone, politiques internes de réduction des déchets, etc.).
  • Audits et visites : vérifier sur le terrain les pratiques réelles (gestion des déchets, conditions de travail, traçabilité des matières premières).
  • Notation et scorecards : suivre la performance des fournisseurs sur la durée, encourager les actions correctives et l’amélioration continue.
3.4. Négociation et contractualisation
  • Contrats-cadres durables : prévoir des clauses spécifiques (prérequis en matière de recyclage, d’économies d’énergie, de limitation des déchets).
  • Partage des bénéfices : mettre en place des mécanismes pour récompenser l’innovation verte, instaurer des bonus/malus sur la réduction de l’empreinte environnementale ou la performance sociale.
  • Collaboration long terme : favoriser des relations de confiance et de co-développement avec les fournisseurs clés (voir 1.6 – Relations Fournisseurs et SRM).
3.5. Suivi et amélioration continue
  • Mise en place de KPI durables : mesurer les performances en termes d’empreinte carbone, de taux de recyclage, de réduction des déchets, etc.
  • Reporting et communication : valoriser les résultats auprès des parties prenantes (internes et externes), renforcer la transparence et la sensibilisation.
  • Feedback et retours d’expérience : organiser des revues périodiques pour ajuster la stratégie, partager les bonnes pratiques et identifier de nouvelles pistes d’amélioration.
4. Exemples d’initiatives concrètes
  1. Logistique inversée : mise en place de circuits de retour pour récupérer les produits en fin de vie et les réintroduire dans la chaîne de production (réparation, reconditionnement, recyclage).
  2. Approvisionnement local : privilégier les fournisseurs de proximité pour réduire les émissions liées au transport et soutenir l’économie locale.
  3. Eco-conception des emballages : utiliser des matériaux recyclés ou biodégradables, limiter le suremballage, proposer des solutions de réemploi.
  4. Offres de service : passer d’une logique d’achat d’équipements à une offre de service (leasing d’appareils électroniques, solutions d’impression à la demande, etc.) afin de réduire la consommation de ressources.
  5. Participation à des programmes de mutualisation : se regrouper avec d’autres entreprises ou organisations pour partager des ressources, des infrastructures ou des flux logistiques, en vue d’optimiser l’utilisation des matières et de réduire les coûts.
5. Les facteurs clés de succès
  1. Implication de la direction : sans le soutien et l’engagement du top management, il est difficile de conduire un changement significatif vers des achats plus responsables et circulaires.
  2. Intégration dans les processus existants : éviter que la durabilité ne soit un « à-côté » ; l’intégrer dans les procédures d’achats, les cahiers des charges, les contrats et le suivi de la performance.
  3. Formation et sensibilisation : accompagner les acheteurs et les prescripteurs internes pour qu’ils maîtrisent les concepts d’économie circulaire, les certifications environnementales et les nouveaux modèles économiques.
  4. Collaboration avec les fournisseurs : nouer de véritables partenariats, miser sur l’intelligence collective, la transparence et la co-innovation.
  5. Mesure et communication : définir des indicateurs pertinents (consommation de ressources, quantité de déchets évités, taux de recyclage), communiquer régulièrement sur les progrès et les succès pour encourager la dynamique.
6. En résumé

Les Achats durables et l’économie circulaire constituent deux piliers fondamentaux des Achats Responsables. En intégrant des critères sociaux, environnementaux et économiques dans leurs processus d’approvisionnement, les entreprises renforcent leur résilience, préservent les ressources, réduisent leurs coûts à long terme et répondent aux exigences croissantes de leurs parties prenantes en matière de responsabilité sociétale.

Pour les professionnels et les étudiants de la fonction Achats, il est essentiel de :

  • Comprendre les enjeux de l’économie circulaire et les méthodes pour l’appliquer (éco-conception, recyclage, économie de la fonctionnalité, etc.).
  • Maîtriser les outils et pratiques permettant d’évaluer et de sélectionner des fournisseurs plus vertueux (audits, certifications, clauses RSE).
  • Savoir négocier et contractualiser avec des partenaires engagés, en intégrant des clauses spécifiques favorisant la durabilité.
  • Mettre en place des indicateurs de suivi pour mesurer l’impact réel des actions menées (baisse de l’empreinte carbone, réduction des déchets, amélioration de la qualité sociale, etc.).

En fin de compte, adopter une démarche d’Achats durables et encourager l’économie circulaire au sein de la fonction Achats contribue non seulement à la performance globale de l’entreprise, mais aussi à la préservation des écosystèmes et au bien-être des générations actuelles et futures. C’est un investissement stratégique et responsable qui ouvre la voie à de nouvelles opportunités, tant sur le plan financier que sociétal.